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moyen äge, meme" alors que d'autres provinces, comme la Picardie, la
Bourgogne, la Champagne, tombaient dans le maniere et le laid.
On confond avec trop peu d'attention generalement ces ecoles a leur
declin. Les figures bouffonnes et manierees a Yexces de l'art du XVe siecle
dans les Flandres, en basse Bourgogne, en Picardie, empechent de voir
nos oeuvres reellement franeaises de la meme epoque, oeuvres que le
gout ne cesse de diriger. Aussi est-ce de cette ecole francaise que sor-
tent, au XVIe siecle, les Jean Goujon, les Germain Pilon, et cette pleiade
de sculpteurs dont les oeuvres rivalisent avec celles des meilleurs
temps.
A dater de 4250, l'art est forme : dans la voie qu'il a parcourue il ne
peut plus monter. Il reunit alors au style eleve, a la sobriete des moyens,
a l'entente de la composition, une exccution excellente et une dose de
naturalisme qui laisse encore un champ large a Fideal. Cependant, si
seduisantes que soient les belles oeuvres de sculpture a dater de la
seconde moitie du xme siecle jusqu'au XVe, il est impossible de ne pas
jeter un regard de regret en arriere, de ne pas revenir vers cet art tout
plein d'une seve qui deborde, qui parle tant a l'imagination, en faisant
pressentir des perfections inconnues. Toute production d'art qui trans-
porte l'esprit au delä de la limite imposee par Yexecution materielle,
qui laisse un souvenir plus voisin de la perfection que n'est cette oeuvre
meme, est Freuvre par excellence. Le souvenir qu'on garde de certaines
statues grecques est pour l'esprit une jouissance plus pure que n'est la
vue de l'objet; et qui n'a parfois eprouve une sorte de desenchantcment
en retrouvant la realite l Est-cc a dire pour cela que ces ceuvres sont
au-dessous de l'estime qu'on en fait? Non point; mais elles avaient
developpe dans l'esprit toute une serie de perfections dont elles etaient
reellement la premiere cause. Pour que ce phenomene psychologique
se produise, il est deux conditions essentielles : la premiere, c'est que
l'oeuvre d'art ait ete enfantee sous la domination d'une idee chez l'artiste;
la seconde, c'est que celui qui voit ait l'esprit ouvert aux choses d'art.
Pour former l'artiste, il est besoin d'un public appreciateur, penetrable
au langage de l'art; pour former le public, il faut un art comprehen-
sible, en harmonie avec les idees du moment. Depuis le xvne siecle,
nous voulons bien qu'on ait pense a maintenir l'art a un niveau eleve,
mais on n'a guere songe a lui trouver ce public sans la sympathie com-
prehensive duquel l'art tombe dans la facture, et n'exprime plus un
sentiment, une idee, un besoin intellectuel.
Il est evident que pendant le moyen äge il existait entre l'artiste et le
public un lien etroit. Le moyen age n'aurait pas fait un si grand nombre
de sculptures pour plaire a une coterie, l'art s'etait democratise autant
qu'il peut l'etre. De la capitale d'une province, il penetrait jusque dans
le dernier hameau.
Il avait sa place dans le chateau et sur la plus humble maison du petit
bourgeois; et ce n'est pas a dire que l'oeuvre fut splendide dans la ca-