[ RESTAURATION ] 16
qui, depuis l'inde jusqu'a YEgypte et l'Europe, comparent, discutent,
separent les productions d'art, demasquent leurs origines, leurs filia-
tions, et arrivent peu a peu, par la rnethode analytique, ales coordonner
suivant certaines lois. Voir la une fantaisie, une mode, un etat de malaise
moral, c'est juger un fait d'une portee considerable un peu legcrement.
Autant vaudrait pretendre que les faits devoiles par la science, depuis
Newton, sont le resultat d'un caprice de l'esprit humain. Si le fait est
considerable dans son ensemble, comment pourrait-il etre sans impor-
tance dans ses details ? Tous ces travaux senchainent et se pretent un
concours mutuel. Si FEurOpeen en est arrive a cette phase de l'esprit
humain, que tout en marchant a pas rcdoubles vers les destinees a
venir, et peut-etre parce qu'il marche vite, il sente le besoin de recueillir
tout son passe, comme on recueille une nombreuse bibliotheque pour
preparer des labeurs futurs, est-il raisonnable de Yaccuser de se laisser
entrainer par un caprice, une fantaisie ephemere ? Et alors les retarda-
taires, les aveugles, ne sont-ils pas ceux-la meme qui dedaignent ces
etudes, en pretendant les considerer comme un fatras inutile ? Dissiper
des prejtiges, exhumer des verites oubliees, n'est-ce pas, au contraire,
un des moyens les plus actifs de developper le progres?
Notre temps n'aurait-il a transmettre aux siecles futurs que cette me-
thode nouvelle d'ctudier les choses du passe, soit dans l'ordre materiel,
soit dans l'ordre moral, qu'il aurait bien merite de la posterite. Mais nous
le savons de reste; notre temps ne se contente pas de jeter un regard,
scrutateur derriere lui : ce travail retrospectif ne fait que developper les
problemes poses dans l'avenir et faciliter leur solution. C'est la synthese
qui suit l'analyse.
Toutefois ces scrutateurs du passe, ces archeologues, exhumant
patiemment les moindres debris des arts qu'on supposait perdus, ont
avaincre des prejuges entretenus avec soin par la classe nombreuse des
gens pour lesquels toute decouverte ou tout horizon nouveau est la perte
de la tradition, dest-a-dire d'un etat de quietude de l'esprit assez com-
mode. L'histoire de Galilee est de tous les temps. Elle seleve d'un ou
plusieurs echelons, mais on 1a retrouve toujours sur les degres que gra-
vit Yhumanite. Remarquons, en passant, que les epoques signalees par
un grand mouvement en avant, se sont distinguees entre toutes par
une etude au moins partielle du passe. Le xne siecle, en Occident, fut
une veritable renaissance politique, sociale, philosophique, d'art et de
litterature; en meme temps quelques hommes aidaient a ce mouvement
par des recherches dans le passe. Le XYIe siecle presenta le meme phe-
nomenc. Les archeologues n'ont donc pas a sünquieter beaucoup de ce
temps d'arret qu'on pretend leur imposer, car non-seulement en France,
mais dans toute l'Europe, leurs labeurs sont apprecies par un public
avide de penetrer avec eux au sein des ages anterieurs. Que parfois ces
archeologues laissent la poussiere du passe pour se jeter dans la pole-
mique, ce n'est pas du temps perdu, car la polemique engendre les idees