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quoi ces animaux reels ou fabuleux venaient-ils ainsi se poser sur les
parements exterieurs des edifices, et particulierement de nos grandes
cathedrales ? Il ne faut pas perdre de vue ce que nous avons dit prece-
demmentapropos des tendances de Yecole laique qui elevait ces mo-
numents. Ceux-ci etaient comme le resume de l'univers, un veritable
Cosmos, une encyclopedie, comprenant toute la creation, non-seulement
dans sa forme sensible, mais dans son principe intellectuel. La encore
nous retrouvons la trace elfacee, mais appreciable encore, du pantheisme
splendide des Aryas. Le vieil esprit gaulois percait ainsi a travers le
christianisme, et revenait a ses traditions de race, en sautant d'un bond
par-dessus liantiquite gallo-romaine. Le dogme chretien domine, il
est vrai, toutes ces traditions conservees a Fetat latent a travers les
siecles; il les regle, il s'en empare, mais ne peut les detruire. Les bes-
tiaires qui furent si fort en vogue a la fin du XIIE siecle et jusque vers le
milieu du X1116, au moment meme oü Yecole laique se developpait, ces
bestiaires qui se repandent sur nos cathedrales et participent au concert
universel, semblent etre une derniere lueur des ages les plus antiques
de notre race. Tout cela est bien corrompu, bien melange des fables
de Pline et des opinions de la derniere antiquite paienne, mais ne laisse
pas moins percer des traditions locales et beaucoup plus anciennes. (le
n'est point ici le lieu de discuter cette question, nous ne devons nous
occuper que du fait : or, le fait, ciest le developpement de ces bestiaires
a Pexterieur de nos grandes eathedrales, sur ces monuments ou tout
l'ordre naturel et surnaturel, physique et immateriel, se developpe
comme dans un livre.
Düipres les bestiaires des X119 et XIIIe siecles, chacun des animaux qui
s'y trouvent figures est un symbole. Ainsi, par exemple le plztfnizc, qui
se consume en recueillant les rayons du soleil et renait de ses cendres,
represente Jesus-Ghrist se sacrifiant sur la croix et ressuscitanl; le troi-
sieme jour. Le phenix est decrit par les anciens, mais il est difiieile de ne
pas reconnaitre dans ce mythe FAgni des Vedas. Que parmi tant (rele-
ments d'art laisses par Yantiquite romaine, Fecole laique du xluesiecle
ait eus recueillir particulierement ces animaux fabuleux, leur ail; donne
une forme symbolique, en ait fait des mythes meme, en appropriant ces
mythesa l'idee chretienne, niest-ce point un signe que ces representa-
tiens rappelaient des traditions locales encore persistantes ? N'est-il pas
naturel que les clercs, reconnaissant la puissance encore vivace de ces
traditions, aient cherche au moins a leur donner un sens symbolique
chretien ? N'est-il pas vraisemblable aussi que les evcques qui presidaient
ä la construction des grandes cathedrales, aient permis la rcpresentation
de ces mythes transformes, a Pexterieur des ediiices religieux, mais leur
aient interdit Finterieur des sanctuaires, a cause de leur origine (louteuge?
Et, en effet, si ces animaux abondent sur les faeades des cathedrales du
Commencement du XIIIe siecle, ils font absolument defaut a Finterieur,
Sauf de rares exceptions. Il n'y a pas un seul animal figure dans les sculp-