SCULPTURE
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Il ne parait pas que les tailleurs d'images se servissent de modeles; car,
dans les representations de ces sortes de travaux, qu'on retrouve sur
des vitraux, dans des vignettes de manuscrits et des bas-reliefs, on ne voit
jamais de modeles figures, mais des panneaux. D'ailleurs, ces sculpteurs
ne repetaut jamais exactement le meme motif, il est evident qu'ils ne sui-
vaient point un modele. Dans des ornements courants memes, comme
des feuilles ou crochets de bandeaux et corniches, chaque ornement est
traite suivant la largeur de la pierre, et sur vingt feuilles, semblables
comme type, il n'en est pas deux qui soient identiques.
Pour ces ornements courants, voici comment on procedait. Un maitre
faisait une feuille, un crochet, un motif enfin, destine a etre repete sur
chaque morceau; puis, des ouvriers copiaient librement ce type. Cette
methode est devoilee par la presence de morceaux executes entre tous
avec une rare perfection et par des mains habiles. Lorsqu'il s'agissait
de pieces exceptionnelles, 'telles que grands chapiteaux, ou des gar-
gouilles, ou des compositions un peu compliquecs, prenant une certaine
importance, elles etaient eonfiees a ces maitres tailleurs d'images. Beau-
coup de sculptures de Yepoque romane etaient faites sur le tas, dest-ä-dire
apres un ravalement; ce qui est indique par des joints passant tout a
travers les ornements et parfois meme les figures. Mais Pecole laique
repoussa cette methode jusqu'au xvrf siecle, dest-a-dire tant que les
corporations conserveront leur organisation intacte. Chaque ouvrier
finissait l'objet qui lui etait confie. Jamais un tailleur de pierre ou un
tailleur d'images ne montait sur le tas. Il travaillait sur son chantier,
terminait la piece, qui etait enlevee par le bardeur et posee par le macon,
qui seul se tenait sur les echafauds. On ne peut disconvenir qu'une
pareille methode düt donner aux contre-maitres plus de faeilites pour
mettre de l'ordre dans le travail, düt eviter les encombrements, par con-
sequent les chances d'accident, et permit une grande rapidite d'execution;
du moment que l'organisation premiere etait bonne, et que l'architecte
avait tout prevu (l'avance : or, il fallait bien qu'il en fut ainsi, pour que
ces rouages pussent fonctionner. Sous ce rapport, il n'y a pas a tirer
vanite des progres que nous avons faits.
C'est au moment de Fepanouissement de Yecole laique, que les ani-
maux, si frequents dans Yornementation romane, delaisses dans la sculp-
ture de la fin du xne siecle, reparaissent dans la clecoration cxterieure des
edifices. A cote de la flore, ils forment une faune ayant sa physionomie
bien caracterisee. Les animaux figures dans la sculpture de 1210 a 1250
sont de deux sortes : les uns sont copies sur la faune locale, et sur quel-
ques especes dont, par luxe, les grands seigneurs gardaient des individus
dans leurs palais, tels que lions, pantheres, ours, etc.; les autres ap-
partiennent au regne fabuleux si bien deerit dans les bestiaires. C'est
le grifon, la wivre, la caladre, la lzavyaie, la siräne, le basilic, le plzänix, le
tiris, le dragon, la salamandre, le pärädexion, animaux auxquels ces bes-
tiaires accordaient les qualites ou les instincts les plus etranges. Pour-