13 l HESTAURATIONl
hares. Couvrir de stucs l'architecture du temple de la Fortune virile, a
Home, ce n'est pas non plus ce qu'on peut considerer comme une res-
tauration; c'est une mutilation. ll faut reconnaitre que 1e goüt pour les
restaurations sinon archaiques, au moins considerees comme renouvel-
lement des edifices, s'est manifeste de tout temps a la fin des periodes de
civilisation chez les soeietes. On restaurait, ou plutot on reparait les
monuments antiques de la Grece, lorsque seteignait le genie grec sous la
lourde main de Rome. L'empire lui-ineme se prit a restaurer les temples
v au moment ou Pep-lise allait leur etre substituee, et chez nous c'etait
avec une sorte de hate qu'on reprit, qu'on repara et qu'on acheva quan-
tite d'egliscs catholiques a la veille de la reformation.
Mais d'ailleurs le moyen fige n'eut pas plus que Fantiquite le sentiment
des restaurations connue nous les comprenons aujourd'hui ; loin de la.
Fallait-il dans un edifiee du xuc siecle remplacer un chapiteau brise,
ifetait un chapiteau du xuic, du XIVB ou du xve siecle qu'on posait a
sa place. Sur une longue frise de crochets du xnie siecle, un morceau,
un seul, venait-il a manquer, c'etait un ornement dans le goüt du
moment qu'on incrustait. Aussi est-il arrive bien des fois, avant que
Fetude attentive des styles fut poussee a ses dernieres limites, qu'on etait
entraine a considerer ces modifications comme des etrangetes, et qu'on
donnait une date fausse des fragments qu'on eüt du eonsiderer comme
des interpolations dans un texte.
On pourrait dire qu'il y a autant de danger a restaurer en reprodui-
sant en [Qtc-siffiile tout ce qu'on trouve dans un edifice, qu'en ayant
la pretention de substituer a des formes posterieures celles qui devaient
exister primitivement. Dans le Iaremier cas, la bonne foi, la sincerite de
l'artiste peuvent produire les plus graves erreurs, en consacrant, pour
ainsi dire, une interpolation; dans le second, la substitution d'une forme
premiere a une forme existante, reconnue posterieure, fait egalement
(lisparaitre les "traces d'une reparation dont la cause connue aurait peut-
etre permis de constater la presence d'une disposition exceptionnelle.
Nous expliquerons ceci tout a l'heure.
Notre temps, ct notre temps seulement depuis le commencement des
siecles historiques, a pris en face du passe une attitude inusitee. Ila
voulu l'analyser, le comparer, le classer et former sa veritable histoire,
en suivant pas a pas la marche, les progres, les transformations de l'hu-
manite. Un fait aussi etrange ne peut etre, comme le supposent quelques-
esprits superficiels, une mode, un caprice, une infirmite, car le pheno-
inene est complexe. Cuvier, par ses travaux sur l'anatomie comparee,
par ses recherches geologiques, devoile tout a coup aux yeux des Con-
temporains l'histoire du monde avant le regne de l'homme. Les imagi-
nations le suivent avec ardeur dans cette nouvelle voie. Des philologues,
apres lui, deeouvrentles origines des langues europeennesjouteg Sorties
d'une memc source. Les ethnologues poussent leurs travaux vers Petude
des races et de leurs aptitudes. Puis enfin viennent les archeologues,