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romane, aux yeux de la foule ils etaient lies encoreafart roman. Aussi
ne font-ils nulle concession: l'or11ementation romane n'existe plus, et
pour en constituer une nouvelle, ils ctudient curieusement les vegetaux
qui croissent dans les champs et dans les bois. La statuaire romane est
releguee dans le passe; ils observent la nature et la eonsiderent sous un
aspect nouveau : ce n'est pas seulement la forme plastique qu'ils cherchent
e. reproduire en Fidcalisant, c'est le sentiment moral de l'individu.
Une fois sur cette voie, si rigoureuse que fut la constitution de la cor-
poration, son organisation toute repuhlicaine devait la pousser sans arrets
vers le progres. Malheureusement, dans les choses (l'art, le progres, en
nous clevant promptement a Fapogce, nous en fait descendre; la sculp-
ture, comme chez les Grecs, apres avoir idealise la nature, veut sans
cesse s'en rapprocher et tombe dans la recherche de la realite. Cependant
il arrive a cette ccole ce qui arrive a toutes les constitutions basees sur
la liherte de la pensee, meme lorsque celle-ci recherche la quintessence
en toute chose, et abandonne Fideal, toujours un peu vague, pour le reel :
longtemps l'art se maintient a une grande hauteur, et jamais Pcxecution
ne tombe dans la barbarie; car la barbarie dans la conception ou meme
dans Pcxecution des (BUVFOS d'art, arrivant apres une periode de splen-
deur, est toujours la consequence de l'asservissement de la pensee. Nous
en avons la triste preuve dans les monuments romains. A la lin de l'em-
pire, sans qu'il y ait eu interruption dans les travaux, sans que l'enseigne-
ment d'art fut supprime, sans qu'on eut cesse un seul jour de sculpter
ou de batir, Pexecution est tombee si bas, qu'elle m'inspire plus que le
degotit, et fait presque desirer l'irruption de veritzthles barbares, mais
jeunes, vigoureux et ayant l'avenir devant eux, pour effacer les traces de
ces arts seniles qui ne sauraient plus rien produire.
Pendant que l'ecole de Hltr-de-France operait cette revolution radicale
dans l'art de la sculpture, celle de la haute Champagne, celle du Poitou,
flottaient entre les traditions romanes et ces innovations, dont elles ne
comprenaient pas l'importance; ces provinces avaient d'ailleurs eleve
l'art roman a un degre de perfection superieur, soit comme structure,
soit comme (lecoration, et ifabanclonnaient qu'avec peine les methodes
ou le style d'ornementation qui avaient laisse de nombreux exemples
dans le pays. Ainsi, a Poitiers, les parties de la eathetlrale baties pendant
les (lerniieres zinnees du xue siecle font apercevoir des reminiscenccs non
douteuses de la sculpture decorative greco-romaine de Syrie, a cote
d'ornements empruntes a la Hore locale. Les chapiteaux des grandes
areatures des collateraux de la nef, batis de 1190 a 1'205, presentent cette
juxtaposition des deux styles.
Quant a Fecole de la haute Champagne, qui comprenait les depar-
tements de la Haute-Marne, de la Haute-Satine et d'une partie de la
Cote-d'Or, son centre etait a Langres. Cette ecole avait adopte de bonne
heure un style de sculpture qui se rapprochait sensiblement du style
bourguignon, mais avec une dose de traditions gallo-romaines plus