SCULPTURE
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cathcdrales de Paris, de Laon et (l'Amiens; elle conserva une recherche
dans les details, une maigreur qui, au XIYC siecle, degenerent en sec-he-
resse. En Bourgogne, au contraire, la sculpture (Porneinent, en avaneant
dans l'imitation plus reelle de la flore, arrive j usquäl Fexageration; l'orne-
ment semble deborder, ne pouvoir se maintenir dans les limites posees
par l'architecture. Hors d'echellc souvent, son importance nuit a l'en-
semble. ll faut donc en revenir toujours a ce centre d'ecoles qui se deve-
loppftit dans Plle-de-Francc, pour trouver cettejuste et sage mesure qui
est la marque d'un goüt eclaire et d'un jugement sur. Ce n'est pas seule-
ment le principe de la sculpture decorative qui se modifie au sein de ces
populations de deux ou trois provinces de la France, c'est aussi le systeme
d'architecture, depuis la structure jusqu'aux proportions et aux profils.
ll y a la un fait si exceptionnel, si anormal dans l'histoire des arts, qu'il
qu'aujourd'hui, dans le departement de la Seine et quelques departements
voisins, des architectes se mettent en tete et aient le talent de produire
un art inusite, soit comme structure, soit comme systeme de proportion
et de decoration, concu (Yapres des Inethoiles entiercment neuves, leurs
projets ne sortiraient moine pas du bureau d'enregistrement, et s'ils en
sortaient, ils seraient accroches par un des nombreux rouages adminis-
tratifs a travers lesquels il leur faudrait passer.
Les conditions de liberte pour les artistes, en tant qu'artistes, ne sont
point celles du citoyen. Un etat social peut etre tres-oppressif pour le
citoyen, mais tres- favorable au developpement de la liberte chez l'artiste.
La reciproquc a lieu. Quand les artistes, dans la societe, forment une
sorte de caste dont tous les membres sont egaux, ils se trouvent dans les
meilleures conditions du (levcloppement libre de l'art. Gomme caste, ils
acquiercnt au sein de l'ordre civil, surtout s'il est divise comme Yetait
l'ordre feodal, une preponderance marquee. Comme individu, le prin-
cipe dc toute caste etant Fegalite entre les membres qui en font partie, lc
contraire de la hierarchie, l'artiste conserve une liberte d'action dont
nous sommes aujourd'hui fort eloignes.
L'ecole laique d'artistes s'etait forme-e des la seconde moitie du x11" sieclc,
c'etait une consequencc naturelle du developpement de l'esprit municipal,
si puissant a cette epoque. Les reglements qui furent rediges au xme siecle
pour donner une existence legale aux corporations sont la preuve que ces
corporations fonctionnaient, car jamais la loi ne prccedc le fait; elle le
reconnait et le regle lorsqu'il a produit deja des consequcnces dont l'cten-
due peut etre appreciee. Une fois sorti des monasteres, l'art se fixait dans
des ateliers, dans certaines familles, dont les membres, comme artistes,
n'etaient et ne POLIVZliQHlL etre soumis a aucune hierarchie. Ces ateliers,
ces familles se reunissaient, discutaient les interets collectifs de la cor-
poration, les etablissaient en face de l'ordre feodal, mais n'avaient Ct 110
pouvaient avoir la pretention d'imposer des methodes d'art au milieu
d'elles, car ces chefs d'atelier etaient sur le pied d'egalite parfaite entre