SCULPTURE
1811
dans la statuaire, ce compromis entre la tradition de Fecole byzantine
qui leur sert d'enseignement, et l'observation de la nature qui leur est
propre, ils le font pour la sculpture d'ornement. Ce qu'ils melent a l'art
oriental, c'est un element vivace, jeune, et le produit qui resulte de ce
inelange est plus fertile en deductions, plus logique que ne Petait l'ori-
ginal lui-meme. Les consequences rigoureuses de cette disposition
intellectuelle des artistes franeais au xne siecle ont etc deja expliquees
a propos de la statuaire; elles sont plus sensibles encore dans la sculpture
d'ornement, celle-ci n'etant pas rivee a 1a reproduction d'une certaine
forme, la figure humaine, et laissant un champ plus vaste a l'imagina-
tion ou a la fantaisie, si l'on veut.
Mais il est necessaire, avant d'arriver a la grande transformation due
aux artistes de la fin du xne siecle, de suivre notre revue des diverses
ecoles au moment ou Finiluence byzantine se fait sentir a 1a suite des
premieres expeditions en Orient. Cette influence est tres-puissante en
Languedoc, partielle en Provence; elle prend un caractere particulier au
centre des etablissements de Gluny. La sculpture d'ornement de Yeglise
de Vezelay n'a plus rien de romain comme celle de la Provence; elle
n'est pas byzantinisäe, soit par l'influence des monuments de Syrie, soit
par l'imitation d'objets et düfztoifes apportes d'0rient, comme celle du
Languedoc; elle s'inspire evidemrnent de l'art romano-grec, mais elle
eclot sur un sol si bien preparc, que, des ses premiers essais, elle atteint
lbriginalite. Nous avons cru voir, a la naissance de la statuaire cluni-
sienne, une transposition de l'art de la peinture grecque; il nous serait
plus difficile d'expliquer comment la sculpture d'ornement byzantine
atteint, du premier jet, presque a la hauteur d'un art original dans les
grandes abbayes de Gluny. La peinture grecque n'a plus la dinüuence,
car la sculpture clunisienne du commencement du X119 siecle ne la
itappelle pas. Uornementation romane du x18 siecle des provinces du
Centre et de l'Est n'a rien prepare pour cette ecole clunisienne. L'in-
Iluence byzantine, reconnaissable, semble etre comme une graine semee
dans une terre vierge, et produisant, par cela meme, un vegetal d'un
aspect nouveau, plus grandiose, mieux developpe et surtout d'une
beaute de formes inconnue. Malheureusement les premiers essais de
cette transformation nous manquent, puisque les parties les plus an-
ciennes de Peglise mere de Gluny ont ete demolies. Nous ne pouvons
la saisir que dans son entier developpement, dest-a-dire de 1095 a 1110,
epoque de la construction de la nef de Yeglise de Vezelay. Est-il une
composition d'ornements mieux entendue, par exemple, que celle de ce
triple chapiteau du trumeau de la porte centrale de cette eglise 1; chapi-
teau destine a soutenir deux pieds-droits et un pilastre decores de statues
(Hg. 31) (voy. TRUMEAU). Si l'on retrouve dans le faire de cette sculpture,
dans ces feuilles decoupees, aigues, vivement retournees, l'emprunt de
Voyez Purmz, fig. 51.