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Il ne faudrait pas croire cependant que dans leurs oeuvres Pexecution
materielle ne tint pas une grande place. Il ne s'agit pas ici de cette per-
fection mecanique qui consiste a tailler et ciseler adroitement la pierre,
le marbre ou le bois : ils ont prouve que, sous ce rapport, ils ne le ce-
daient a aucune ecole, y compris celles de lüintiquite; mais il s'agit de
cette execution si rarement comprise de nos jours, et qui tient a l'objet,
E1 sa place, a sa destination. Les sculpteurs du moyen agc ont compose
de tres-petits bas-reliefs et des colosses. Si nous nous reportons au
belle antiquite grecque, nous observerons que les infiniment petits en
sculpture sont traites commeles oeuvres d'une dimension extra-naturelle.
Les procedcs admis pour le modele d'une figure de 1 centimetre ou 2 de
hauteur sur une pierre intaillee grecque sont les memes que ceux ap-
pliques a 11n colosse. En effet, pour qu'un colosse paraisse grand, il ne
suffit pas de lui donner une dimension extra-naturelle; il faut sacrifier
quantite de details, exagerer les masses, faire ressortir certaines parties.
Il en est de meme si l'on cherche l'infiniment petit. L'echelle alors vous
oblige a sacrifier les details, a faire valoir les masses principales. Aussi
les pierres gravees grecques donnent-elles Fidee d'une grande chose; et
si l'on voulait faire un colosse avec une de ces figures de 2 centimetres
de hauteur, il n'y aurait qu'a la grandir en observant exactement les
procedes de l'artiste. Les Egyptiens, dans la haute antiquite, avantles
Ptolemees, ont mieux qu'aucun peuple compris cette loi: leurs colosses,
dont ils ne sont point avares, sont traites en raison de la dimension;
Gest-a-dire que plus ils sont grands et plus les dctails sont sacrifies, plus
les points saillants de la forme generale sont sentis, prononces. Aussi
les colosses egyptiens paraissent-ils plus grands encore qu'ils ne le sont
reellement, tandis que les grandes statues que nous faisons aujourd'hui
ne donnent guere Fidee que de la dimension naturelle.
Les artistes de la premiere moitie du X1119 siecle ont sculpte quantitc
de colosses, et en les seulptant, ils ont observe cette loi si bien pratiquee
dans Fantiquite, d'obtenir une execution d'autant plus simple que l'objet
est plus grand et d'insister sur certaines parties qu'il s'agit de faire valoir.
Voyons, par exemple, comme sont traitees les statues colossales de la
galerie des rois de la cathedrale d'A1niens. La plupart de ces statues sont
assez mediocres, mais toutes produisent leur effet de grandeur par la
maniere dont elles sont traitees; quelques-unes sont tres-bonnes. Les
draperies sont d'une simplicite extreme, les detailssacriiies, mais les
mouvements nettement accuses, accuses meme souvent a l'aide d'ou-
trages faits a la forme reelle. D'ailleurs tout, dans Yexecution, est traite
en vue de la place occupee par ces statues, qui sont posees a 30 metres
du sol. Prenons une tete de l'un de ces colosses (fig. 21). On observera
comme les traits sont coupes en raison de la hauteur a laquelle sont placees
ces statues. L'oeil se detache profondement de la racine du nez comme
dans certains colosses de la haute Egypte. Il est incline vers le sol. Le
nez est taille hardiment, avec exageration des saillies 51 1a pacinejit
VIll. 211