Volltext: [Quai-Synagogue] (T. 8)

SCULPTURE 
Pression dramatique ne se communique au spectateur que si elle emane 
d'une idee simple, et que si cette idee se traduit, non par l'apparence 
materielle du fait, mais par une sorte de traduction ideale ou poetique, 
ou par l'expression d'un sentiment parallele, dirons-nous. Ainsi, donner 
21 un heros des dimensions superieures a celles des personnages qu'il 
combat, c'est rentrer dans la premiere condition. Donner a ce heros une 
Dhysionomie impassible pendant une action violente, c'est rentrer dans 
1a seconde. Bepresenter un personnage colossal lancant du haut de son 
char, entraine par des chevaux au galop, des traits sur une foule de pe- 
"lits ennemis renverses et suppliants, c'est une traduction ideale ou poe- 
ÜCIUB d'un fait; donner aux traits de ce personnage une expression im- 
passible, de telle sorte qu'il semble ne jeter sur ces vaincus qu'un regard 
Vaälle, exempt de passion ou de colere, c'est graver dans l'esprit du 
Spectateur une impression de grandeur morale qui produit instinctive- 
ment l'effet voulu. 
Nous ne possedons malheureusement qu'un tries-petit nombre de 
äPandes compositions de la statuaire grecque, et il serait difficile de suivre 
121 filiation du dramatique dans cet art. La composition des frontons 
du temple d'Egine obtenue au moyen de statues representant, dans di- 
Yerses poses, un fait materiel, n'a rien de dramatique. Mais cependant le 
sentiment du dramatique est profondement grave dans l'art grec des une 
assez haute antiquite, si l'on en juge par certains fragments du temple de 
Selinonte deja indiques, et par les peintures des vases. Le sentiment 
dramatique (la verite du geste mise a part) est "tres-developlse dans la 
statuaire du Parthenon et du temple de Thesee, mais developpe dans le 
SÜIS purement materiel. C'est beaucoup d'emouvoir par la beaute exte- 
Pleure, et c'est peut-etre ce qu'avant tout doit chercher le statuaire, mais 
C? n'est pas tout, croyons-nous. Il est d'autres cordes que l'art peut faire 
vibrer, et la difficulte est de reunir dans un meme objet, et la beaute 
lÜäStique qui saisit l'esprit par les yeux, et ce reflet d'une pensee qui 
tfünsporte l'esprit au dela de la representation materielle. Rarement ces 
deux resultats sont atteints dans Yantiquite; plus rarement encore dans 
l'art du moyen age. Le sens dramatique, si profond souvent dans la 
Siatuaire du moyen age, semble gener le developpement du beau plas- 
Uque, et le statuaire, tout penetre de son idee, l'exprime sans songer a la 
beaute de la forme. Il n'en faut pas moins distinguer ces qualites et en 
tenir compte. 
Quelques bas-reliefs de la fin du XIIB siecle de l'ec0le de 1'Ile-de_ 
France sont tries-fortement empreints du sentiment dramatique. Nous 
citerons entre autres celui qui, sur le tympan de la porte centrale de 1a 
cathedrale de Senlis, represente la mort de la Vierge, et la Pexäeution QSL 
maut quantitä de dätails, mais en rendant d'autant mieux l'allure imposante de cet ani- 
mal, cela n'est point de la nalvetä; tout au contraire, c'est le räsultat d'un art tries- 
räflächi et tries-sür de ce qu'il fait.
	        
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