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possede plus qu'aucun autre le pritfilege de Funite. Elle n'est point,
comme l'architecture, forcee de se soumettre aux besoins du moment,
comme la peinture, dont les ressources sont tellement variees, infinies,
qu'entre une fresque des catacombes et un tableau de l'ecole hollandaise
il y a mille routes, mille sentiers, mille expressions diverses et mille ma-
nieres differentes de les employer. Faire l'histoire de la statuaire d'une
epoque, c'est entrer forcement dans toutes les ecoles qui ont marque.
Qu'on veuille donc bien nous pardonner ces excursions repetees, soit dans
Fantiquite, soit chez nos statuaires modernes. Pourrions-nous faire saisir
la qualite que nous appelons dramatique, dans la statuaire du moyen age,
sans chercher jUSqlfÄt quel point les anciens l'ont admise et ce que nous
en avons fait aujourd'hui?
Il est necessaire d'abord d'expliquer ce que nous considerons comme
Felement dramatique dans la statuaire. C'est le moyen d'imprimer dans
l'esprit du spectateur, non pas seulement la representation materielle
d'un personnage, d'un mythe, d'un acte, d'une scene, mais tout un ordre
d'idees qui se rattachent a cette representation. Ainsi une statue parfaite-
ment calme dans son geste, dans l'expression meme de ses traits, peut
posseder des qualitees dramatiques, et une scene violente n'en possecler
aucune. Telle statue antique, comme l'Agrippine du Musee de Naples,
par exemple (admettant meme qu'on ne süt pas quel personnage elle
represente), est eminemment dramatique, en ce sens que dans sa pose
ailaissee, dans l'ensemble profondement triste et pensif de la figure, on
devine toute une histoire funeste, tandis que le groupe de Laocoon est
bien loin clfemouvoir l'esprit et de developper un drame. Ce sont des
modeles, et les serpents ne sont la qu'un pretexte pour obtenir des effets
de pose et de muscles. Nous choisissons expres ces deux exemples dans
une periode de la statuaire ou l'on cherchait precisement cette qualite
dramatique, et ou on ne l'obtenait que quand on ne la cherchait pas,
dest-a-dire dans quelques portraits. Bien que dans la statuaire la beaute
de Fexecution soit plus necessaire que dans tout autre art, cependant
Felement dramatique n'est pas essentiellement clependant de cette exe-
cution. Tel bas-relief des metopes de Selinonte, quoique d'une execution
primitive, roide, telle sculpture du xne siecle qui presente les memes im-
perfections, sont profondement empreints de Yidee dramatique, en ce
que ces sculptures transportent l'esprit du spectateur bien au dela du
champ restreint rempli par l'artiste. Il est a remarquer d'ailleurs que la
qualite dramatique dans la statuaire semble s'affaiblir a mesure que la
perfection dexecution materielle se developpe. Dans les monuments
egyptiens de la haute antiquite, l'impression dramatique est souvent
d'autant plus profonde que Yexecution est plus rude 1. '
Dans les arts du dessin et dans la sculpture particulierement, l'im-
1 Nous 11e nous servons pas du mot naif, qui nous semble appliquä fort maIäPYODÜF
lorsqu'il s'agit des arts dits pnmitifs. Sculpter un lion comme les Egypfiülli, en SÜPPPÜ-