Volltext: [Quai-Synagogue] (T. 8)

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SCULPTURE ] 
si soigneusement tenus sous le boisseau; ils ont senti que la critique, 
entrant sur ce terrain du passe, allait remettre en lumiere toute une 
serie d'idees qui ebranleraient plusieurs temples : celui de la religion 
facile, eleve avec tant de soin depuis le xvne siecle ; celui de l'art ofiiciel, 
efface, qui, ifadmettant qu'une forme, rejette bien loin toute pensee, 
tout travail intellectuel, comme une heresie. 
Tout s'enchaine dans une societe, et, quand on y regarde de pres, 
aucun fait n'est isole. La societe qui au milieu d'elle admettait qu'une 
compagnie puissante condamnat l'esprit humain a un abandon absolu 
de toute personnalite, 51 une soumission aveugle, a une direction morale 
dont on ne devait meme pas chercher le sens et la raison, cette societe 
ClOYait bientot voir s'elever comme corollaire, dans le domaine de l'art, 
un principe semblable, ennemi acharne de tout ce qui pouvait signaler 
         
avant le respect pour le dogme qui pretend le diriger.  
Ce qui frappe toujours dans les oeuvres grecques, c'est que l'artiste 
(l'abord respecte son art. On subit la meme impression lorsqu'on examine 
195 bonnes productions du XIIIE siecle : que l'artiste soit religieux ou 
non, cela nous importe peu; mais il est evidemment croyant a son art, 
et il manifeste toute 1a liberte d'un croyant, dont le plus grand soin est 
de ne pas mentir a sa conscience. 
Nous avouons que, pour notre part, dans toute production d'art, ce 
(lui nous saisit et nous attache, c'est presque autant l'empreinte de 
l'homme qui l'a creee que la valeur intrinseque de l'objet. La sculpture 
Sfeüque nous charme tant que nous entrevoyons l'artiste a travers son 
oeuvre, que nous pouvons, sur le marbre qu'il a laisse, suivre ses pen- 
Cllants, ses. desirs, l'expression de son vouloir; mais quand ces produc- 
tions n'ont plus d'autre merite que celui d'une exeeution d'atelier, 
quand le praticien s'est substitue a l'artiste, l'ennui nous saisit. Ce que 
nous aimons par-dessus tout dans la statuaire du moyen age, meme la 
Plus ordinaire, c'est l'empreinte individuelle de l'artiste toujours ou 
Presque toujours profondement gravee sur la pierre. Dans ces figures 
lnnombrables du XIIIB siecle, on retrouve les joies, les esperances, les 
ümertumes et les deceptions de la vie. L'artiste a sculpte comme il 
pensait, c'est son esprit qui a dirige son ciseau; et comme pour l'homme 
il n'est qu'un sujet toujours neuf, celui qui traduit les sentiments et les 
passions de l'homme, on ne sera pas surpris si, en devinant l'artiste der- 
riere son oeuvre, nous sommes plus touche que si l'oeuvre n'est qu'un 
solide revetant une belle forme. 
C'est la la question pour nous, au XIXc siecle. Devons-nous considerer 
le beau suivant un canon admis? ou le beau est-il une essence se deve- 
loppant de differentes manieres, suivant des lois aussi variables que sont 
celles de l'esprit humain ? Au point de vue philosophique, 1a fäpünse 
ne saurait etre douteuse: le beau ne peut etre que Pämanation d'un 
principe, et non l'apparence d'une forme. Le beau nait et reside dans 

	        
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