SCULPTURE
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amerement par elle se distinguait par Foriginalite, la FÜCl1OFCl16 du pro-
gres et l'examen; Dans la republique des arts, ce qu'on redoute le plus,
ce n'est pas la critique contemporaine, pouvant toujours etre soupcon-
nee de partialite, c'est la protestation silencieuse, mais cruelle, persis-
tante, d'un art qui se recommande par les qualites qu'on ne possede plus.
Dans un temps comme le sieele de Louis XIV, ou l'artiste n'etait plus
guere qu'un commensal de quelque grand seigneur, pensionne Iiar le
roi, subissant tous les caprices d'une cour, dispose a toutes les conces-
sions pour plaire, a toutes les tlatteries pour vivre (car on llatte avec le
ciseau comme avec la plume), il n'est pas surprenant que la statuaire du
xme siecle, avec son caractere individuel, independant, dut paraitre bar-
bare. Placez un de ces beaux bronzes etrusques comme le Musee Britan-
nique en possede tant, sur la chcminee d'une dame a la mode, au mi-
lieu de chinoiseries, de biscuits, de vieux Sevres, de ces mievrerics tant
recherchees de la ün du dernier siecle, et voyez quelle figure fera le
bronze antique? Il etait naturel que les critiques du dernier siecle, qui
mettaient, par exemple, le "tombeau du marechal de Saxe au niveau
des plus belles productions de Yantiquite, trouvassent importunes les
sculptures hardies des beaux temps du moyen age. Le cierge lui-meme
mit un acharnement particulier a detruire ces denonciateurs perma-
nents de l'etat d'avilissement ou tombait l'art. Ceux dont le devoir serait
de lutter contre l'affaiblissement d'une societe, el; qui, loin d'en avoir le
courage etla force, profitent de ce relächement moral, s'attaquent habi-
tuellement atoutce qui fait un contraste avec l'etat de decadence ou tombe
cette societe. Quand les chapitres, quand les abbes du dernier sieclc je-
taient bas les oeuvres d'art des beaux moments du moyen tige, ils ren-
daient a ces oeuvres le seul hommage qu'ils fussent desormais en etat de
leur rendre; ils ne pouvaient souffrir qu'elles fussent les temoins des
platitudes dont on remplissait alors les edifices religieux. (Yetait la pudetir
instinctive de l'homme qui, livre a la debauche, raille et cherche a dis-
perser la societe des honnetes gens. Les statues pensives et graves de
nos portails ifetaient bonnes qu'a envoyer de mauvais reves aux petits
abbes de salon ou a ces chanoines qui, afin d'augmenter leurs revenus,
vendaient les enceintes de leurs cathedrales pour batir des echoppes.
Aujourd'hui encore une partie du cierge francais ne voit qu'avec defiancc
se manifester l'admiration pour la bonne sculpture du moyen tige. Il y
a 1a dedans des hardicsses, des tendances independantes facheuses ; ces
figures de pierre ont l'air trop meditatives. On aime mieux les saints
a l'air evapore, aux gestes theatrals, ou les vierges ressemblant a des
bonnes decentes, ces anges affadis et toutes ces pauvretes auxquelles
l'art est a peu pres etranger, mais qui, ne disant rien, ne compromettent
rien. Beaucoup de personnages respectables et nous plaeant a leur
point de vuc, nous comprenons parfaitement l'esprit qui les guide
n'0nt pas vu sans une certaine apprehension ce mouvement archeolo-
gique qui poussait les intelligences vers Yetude des arts du moyen age