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tion, l'art de modeler la terre ou de sculpter la pierre, et de donner du
pain a des milliers d'ouvriers pendant des annees.
Dans les eglises clunisiennes du x12 et du X119 siecle, la statuaire ne
reproduit guere que des sujets emprunt-es aux legendes de saint Antoine,
de saint Benoit, de sainte Madeleine, ou meme de personnages moins
considerables, et il faut reconnaitre que dans ces legendes les imagiers,
qui certes alors travaillaient dans les couvents s'ils Ifetaient moines eux-
menaes, choisissaient les sujets les plus etranges. Pour des portails, on
reproduisait les grandes scenes du Jugement. Un faisait les honneurs du
lieu saint aux jaersonnages divins et aux apotres, mais partout ailleurs
les scenes de l'Ancien ou du Nouveau Testament ne prenaient qu'une
petite place. Saint Bernard, en s'elesfant contre cette abondance de re-
presentations sculptees qu'il considere comme des fables grossieres mises
sous les yeux du peuple, sut interdire l'art de la statuaire a l'ordre institue
par lui. Les cisterciens du xnc siecle sont de veritables iconoclastes. Soit
que le blame amer de saint Bernard ait porte coup sur les esprits, soit
que Yepiscopat partageat en partie ses idecs a ce sujet, soit qu'un esprit
philosophique eüt deja penetre les populations des grands centres, tou-
jours est-il que lorsqu'on eleve les catbedrales, de 1180 a 1'230, l'icono-
graphie de ces ediliccs prend un caracterc different de celle admise
jusqu'alors dans les eglises monastiques. Les sujets empruntes aux
legendes disparaissent presque entierement. La sculpture va chercher
ses inspirations dans l'Ancien et le Nouveau Testament, puis elle adopte
tout un systeme iconographique sans preeedents. Elle devient une ency-
elopedic representec. Si les scenes principales indiquees dansle Nouveau
'l'estan1ent prennent la place importante, si le Christ assiste au jugement,
si le royaume du ciel est figure, si l'histoire de la sainte Vierge se deve-
loppe largement, si la hierarchie celeste entoure le Sauveur ressuscite,
a cote de ces scenes purement religieuses apparaissent l'histoire de la
Creation, le combat des Vertus et des Vices, des ligures symboliques, la
Synagogue, YEglise personnifiees, les Vierges sages et folles, la Terre,
la Mer, les productions terrestres, les Arts liberaux. Puis les propheties
qui annoncent la venue du Messie, les ancetres du Christ, le cycle davi-
dique commencant a Jesse.
Il y a donc dans cette statuaire de nos grandes cathedrales un ordre,
et un ordre tres-vraisemblablenient etabli par les eveques, suivant un
systeme etranger a celui qui avait etc admis dans les eglises conven-
tuelles. Mais a cote de cet ordre, il y a Fexecution, qui, elle, appartient a
Yecolc laique. Or, c'est dans cette execution qu'apparait un esprit d'in-
depcildance tout nouveau alors, mais qui pour cela n'en est pas moins
vif. Dans les representations des Vices condamnes a la gehenne eternelle,
les 1,015, les seigneurs, ni les prelats ne font defaut. Les Vertus ne sont
plus representees par des moines, comme sur les chapiteaux de quelques
portails (Yabbayes, mais par des femmes eouronnees: l'ide'c symbolique
s'est elevee. Parmi ces Vertus ou ces bäatitudes, pour emprunter le lan-
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