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SCULPTURE
Au commencement du XIllE siecle, les moines ne sont plus maitres
es arts; ils sont debordes par une societe d'artistes laiqiles que peut-etre
ils ont eleves, mais qui ont laisse de cote leurs methodes surannees. La
cour n'existe pas encore, et ne peut imposer ou avoir la pretention
d'imposer un goüt, comme cela s'est fait depuis le XVIG siecle. La feoda-
lite, tout occupee de ses luttes intestines, de combattre les empietements
du haut elerge, des etablissements monastiques, et du pouvoir royal, ne
songe guere a gener le travail qui se fait dans les grandes cites, qu'elle
n'aime guere et ou elle reside le moins possible. On concoit donc que
dans un semblable Etat une classe comme celle des artistes jouisse d'une
liberte intellectuelle tres-etentlue; elle n'est pas sous la tutelle d'une
Aeademie; elle n'a pas affaire a de prctendus connaisseurs, ou a plaire a
une cour; ce qu'elle considcre comme le progres serieux de l'art'l'inquiete
seul et dirige sa marche.
L'attitude que les eveques avaient prise il cette epoque vis-ä-vfis de la
feodalite laiqne et des ctablissements religieux, en s'appuyant sur l'esprit
communal pret a s'organiser, etait favorable a ce progres des arts deli-
nitivement tombes dans les mains des laiques. Ces prelats penseront un
moment etablir une sorte de theocratie municipale, analogue a celle
qui avait existe a la chute de l'empire romain, et, une fois devenus ma-
gistrats snpremes des grandes cites, n'avoir plus a compter avec toute
1a hierarehie feodale. Dans cette pensee, ils avaient puissamment aide
ä ce developpement des arts par Yerection de ces vastes cathedrales que
nous voyons encore aujourd'hui.
Ces monuments, qui rivalisaient de splendeur, furent, de 1160 a 12110,
Yecole active des architectes, imagiers, peintres, sculpteurs, qui trou-
vaient la un chantier ouvert dans chaque cite et sur lequel ils conser-
vaient toute leur independance; car les prelats, desireux avant tout
d'elevei' des editices qui fussent la marque perpetuelle de leur protection
sur fle peuple des villes, qui pussent consacrer le pouvoir auquel ils
aspiraient, se gardaient de gener les tendances de ces artistes. Loin de
la, la catlicdrale devait etre, avant tout, le monument de la cite, sa
chose, son bien, sa garantie, sorte d'arche d'alliance entre le pouvoir
episcopal et la commune; c'etait donc a la population laique a Felever,
et moins la eathedrale ressemblait a une eglise conventuelle, plus
Feveque devait se flatter de voir s'etablir entre la commune et lui cette
alliance qu'il considerait comme le seul moyen d'assurer sa suprematie
au centre de feodalite. Le role que joue la statuaire dans ces cathedrales
est considerable. Si l'on visite celles de Paris, de Reims, de Bourges,
d'Amiens, de Chartres, on est emerveille, ne fut-ce que du nombre
prodigieux de statues et de bas-reliefs qui completent leur decoration.
A dater des dernieres annees du X118 siecle, Pecole laique, non-seule-
ment a rompu avec les traditions byzantines conservees dans les monas-
tcres, mais elle mzinifeste une tendance nouvelle dans le choix des sujets
et la maniere de les exprimer.