SCULPTURE
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de preparation ; les artistes sont occupes a apprendre leur etat, mais,
grace a cette liberte d'allure qui, tot ou tard en France, finit par prendre
le dessus, tentent de se soustraire E1 Fhieratisme byzantin, d'abord
en cherchant dans la peinture grecque les elemeuts dramatiques qui
manquent dans la statuaire, puis en recourant 51 la nature.
Cette evolution de l'art franeais coincide avec un fait historique im-
portant: le develolapement de l'esprit communal, l'affaissement de Fetat
monastique et l'aurore de Yunite politique se manifestant sous une i11-
lluence preponderante prise par le pouvoir royal. L'art de la statuaire
appartient aux laiques; il s'emancipe avec ces nouvelles ecoles affran-
chies, vers la fin du X110 siecle, de la tutelle monastique.
Il y a ici des questions complexes qui ne semblent pas avoir etc suffi-
samment appreciees. Les historiens sont peu familiers avec l'etude et la
pratique des arts plastiques, et les artistes ne vont guere chercher les
causes d'un developpement ou d'un affaissement des arts dans un etat
particulier de la societe. Ainsi vivons-nous sous l'empire d'un certain
nombre d'opinions recues dont personne ne songe a controler la valeur.
Pour que les arts arrivent a 1111e sorte de floraison rapide, comme chez
les Atheniens, comme au commencement du X1118 siecle chez nous,
comme dans certaines villes italiennes [icndant le XIYÜ et le xve siecle, il
faut qu'il s'etablisse 11n milieu social particulier, milieu social que nous
nommerons, faute d'un autre nom, ätal municipal. Lorsque, par suite de
circonstances politiques, des cites sont entrainees a faire leurs affaires
elles-memes; qu'elles ont, comme Athenes, mis de cote des tyrans;
qu'elles ont, comme nos villes d11 nord de la France, pu obtenir 11ne
indepenrlauce relative entre des pouvoirs egalement forts et rivaux, en
donnant leur appui tantot aux uns, tzuitot aux autres; comme les repu-
bliques italiennes en senrichissant par l'industrie et le commerce, ces
cites forment tres-rapidement un noyau compacte, vivant dans une com-
munion intime d'idees, (Piuterets se devcloppant dans un sens favorable
aux expressions de l'art. Alors la necessite politique d'existence forme
des associations solidaires, des corporations que les pouvoirs ne peuvent
dissoudre et qu'ils cherchent au contraire a s'attacher. Ces corporations,
si elles sont, comme en France, en presence d'une organisation feodale
luttant contre une puissance monarchique qui cherche a se constituer,
obtiennent bientot les privileges qui assurent leur existence. Ijemulation,
le desir de prendre un rang important dans la cite, de marcher en avant,
de depasser les villes voisines, non-seulement en influence, mais en ri-
chesse, de manifester extericurement ce progres, deviennent un stimu-
lant tres-propre a ouvrir aux artistes une large carricre. Il ne s'agit plus
alors de copier dans des cellules de moines des muvres traditionnelles,
sans s'enquerir de ce qui se passe au dehors, mais au contraire de riva-
liser d'efforts et d'intelligence pour faire de cette societe urbaine un
centre assez puissant, riche et compose düälements habiles, pour que,
quoi qu'il advienne, il faille compter avec lui.