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pris sur la nature, c'est celui-la. Ce front large; ces yeux bien fendus,
grands, ces arcades sourcilieres eloignees du globe de l'oeil; ce nez fin,
cambre, serre a la racine et pres des narines, celles-ci etant minces,
relevees; ces levres fermes et nettement bordees; cette barbe en longues
meches, ces oreilles ecartees du crane, ces cheveux longs et soyeux, ne
presentent-ils pas un de ces types slaves comme on en trouve en Hongrie
et sur les bords du bas Danube 1. A cote de cette tete il en est d'autres
qui presentent un caractere absolument different et qui se rapprochent
des types les plus frequemment adoptes dans la statuaire de Toulouse.
Poursuivons cette revue avant de reprendre l'ordre que nous devons
suivre dans cet article.
Transportons-nous a Chartres. Le portail occidental de la cathedrale
presente une suite de statues d'une execution tres-soignee. Ce sont de
grandes figures longues qui semblent emmaillottees dans leurs vetements
comme des momies dans leurs bandelettes, et qui sont profondement
penetrees de la tradition byzantine comme faire, bien que les vetements
soient occidentaux. Les tetes de ces personnages ont l'aspect de portraits,
et de portraits executes par des maitres. Nous prenons l'une d'elles, que
connaissent toutes les personnes qui ont visite cette cathedrale? (fig. 7).
Ces statues de Chartres datent aussi de M110 environ. A coup sur l'artiste
qui a sculpte cette tete, tout soumis qu'il fut a la donnee byzantine
sous certains rapports, s'en ecartait encore plus que ceux dont nous
venons de presenter les ceuvres, au point de vue de Petude de la nature.
Des types que nous venons de presenter, celui-la seul a un caractere
vraiment francais ou gaulois, ou celte si l'on veut. Ce front plat; ces
arcades sourcilieres relevees, ces yeux Z1 fleur de tete; ces longues joues;
ce nez largement accuse 51 la base et un peu tombant, droit sur son pro-
fil; cette bouche large, ferme, eloignee du nez; ce bas du visage carre,
ces oreilles plates ct developpees, ces longs cheveux ondes, n'ont rien du
Germain, rien du Romain, rien du Franc. C'est 1a, ce nous semble, un
vrai type du vieux Gaulois. La face est grande relativement au crane,
l'oeil peut facilement devenir moqueur, cette bouche dedaigne et raille.
Il y a dans cet ensemble un melange de fermete, de grandeur et de
finesse, voire d'un peu de legerete et de vanite dans ces sourcils releves,
mais aussi l'intelligence et le sang-froid au moment du peril. Les mas-
ques des autres statues de ce portail ont tous un caractere individuel;
l'artiste ou les artistes qui les ont sculptes ont copie autour d'eux et ne
se sont pas astreints a reproduire un type uniforme. Ce fait merite d'au-
tant mieux d'etre observe, que vers la fin du XIIB siecle, ainsi que nous
le demontrerons tout a l'heure, la statuaire admet un type absolu qu'elle
1 Cette täte, comme toutes les sculptures de cet ädifice, ätait peinte. On voit encore
la trace des prunelles d'un ton gris bleu.
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Autant que possxble ces dessms sont falts sur des moulages que nous poäsedons, ou
sur des photographies.