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La peinture layzantine, en effet, n'exeluait pas encore a cette epoque
l'individua1is1ne, tandis que la sculpture semblait ne reproduire que des
types uniformes, consacres. Les vignettes de manuscrits grecs du VIE au
xe siecle presentent, non-seulement des compositions empreintes d'une
liberte que ne conservent pas les sculptures des ivoires et objets d'orfe-
vrerie, mais qui reproduisent evidemment des portraits. Ces vignettes
tiennent compte de la perspective, de l'effet produit par des plans diife-
rents, par la lumicre; quelques-unes meme sont profondement em-
preintes d'une intention dramatique 1.
Nous allons montrer comment les elunisiens avaient introduit dans la
sculpture, imitee comme faire et comme style de Fecole byzantine,
ces elements de liberte et l'observation de la nature, soit par la repro-
duction vraie du geste, soit par Petude des types qu'ils avaient sous les
yeux. C'est la porte principale de Yeglise abbatiale de Vezelay, ouvrage
d'une grande valeur pour Yepoque, qui va nous fournir les exemples les
plus remarquables de cette statuaire pseudo-byzantine des clunisiens,
a la {in du x18 siecle ou pendant les premieres annees du X118.
L'ensemble de cette ceuvre est presentee dans l'article PORTE (fig. 11).
On remarquera, tout d'abord, qu'il y a dans cette composition un mou-
vement, une mise en scäne, qui n'existent pas dans les compositions byzan-
tines de la meme epoque ou anterieures. L'idee dramatique subsiste au
milieu de ces groupes de personnages auxquels l'artiste a voulu donner
la vie et le mouvement. Voyons les details. Voici, figure 3, deux des
figures trois quarts nature, sculptees sur le pied-droit de droite; c'est
un saint Pierre qui discute avec un autre apotre attentif et paraissant
se disposer a donner la replique. Le geste du saint Pierre est net, bien
accuse, et sa tete prend une expression d'insistanee grave qui est tout a
fait remarquable. A cote de ce räalisme, le faire des draperies, la maniere
dont elles sont disposees, ces plis releves par le vent, sentent Fecole
byzantine. Examinant attentivement les types des tetes de ces statues,
on reconnait qu'ils n'ont rien de commun avec la statuaire byzantine.
Les sculpteurs clunisiens se sont inspires de ce qu'ils voyaient autour
d'eux. Ces tetes presentent des caracteres individuels, ce ne sont plus
des types de convention. Sur des chapiteaux de la meme porte, des per-
sonnages fournissent des types varies. L'un, celui A, figure la, a le nez
1 Voyez dans les oeuvres de Dioscoride de la Bibliotheque imperiale de Vienne, manu-
scrit du Vle siocle,lz1 miniature represeutant Juliana Anicia; les manuscrits grecs, nbs 1 39,
(511, 70 dela Bibliotheque imperiale de Paris, x2 siecle; les manuscrits de la bibliotheque
de Saint-lilarc de Venise; celui conserve au Louvrc. Beaucoup de vignettes de ces ma-
nuscrits se font remarquer par la grandeur et Penergie des compositions, par la neltetä
du geste et par la physionomie tout individuelle de certains personnages. Dans son
Histoire des arts au moyen fige, M. Labarte a reproduit fidelement quelques-unes de ces
vignettes. Dans le mäme ouvrage on peut voir des copies d'ivoires byzantins du ve au
x18 siecle, obtenues par la photographie, qui forment, par leur caractere hieratique, un
contraste frappant avec ces peintures.
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