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leur origine sur quelques points, une inscription, un meuble, un usten-
sile. Rien de pareil ne se rencontre sur aucun de ces bas-reliefs. Tout est
occidental, et encore une fois la sculpture des Byzantins a cette epoque
n'est pas traitee comme celle de ces bas-reliefs francais. Il est, pour tout
praticien, une preuve de la transposition de l'art de la peinture byzan-
tine dans la statuaire chez les clunisiens. On sait que les draperies des
personnages Figures sur ces peintures sont faites au moyen d'un ton local
sombre, sur lequel les clairs sont indiques non par un modele adouci,
mais par des traits qui rendent l'effet de la lumiere accrochant les bords
de plis iins et repetes. En sculpture, pour obtenir une apparence ana-
logue, il est necessaire de proccder par plans plus ou moins inclines, et
de produire ainsi des demi-teintes ayant Yintensite du ton local, mais
en menageant des aretes nettementcoupees, entre ces plans, qui donnent
des traits lumineux tres-vifs. C'est ainsi que sont traitees les draperies
des bas-reliefs de Vezelay (voy. fig. 3); or les sculpteurs byzantins ne
procedaient pas ainsi, mais au contraire par une succession de plans
sadoucis, mous, separes par des traits creux formant comme un dessin
noir destine a rehausser un modelc faible.
Dans cette statuaire franeaise que nous regardons comme derivec de
la peinture byzantine tres-ancienne, car certainement les vignettes de
manuscrits servaient de types aux clunisiens, et ces manuscrits pouvaient
etre tres-anterieurs au X115 siecle, une des qualites qui frappent le plus
les personnes qui savent voir, c'est l'exactitude et la verite saisissantes
du geste. Or, quand on sait a quel degre de barbarie etait tombee
la statuaire au x8 siecle, et combien cette qualite etait oubliee alors, les
artistes sortis des ecoles de Cluny avaient du recourir a des modeles
d'une grande valeur, comme art, pour se former.
Mais il en est de ce fait historique comme de bien d'autres, il faut se
garder d'etablir un systeme sur un seul groupe (Yobservations. Ce qui est
vrai ici peut etre crrone la. Si les clunisiens sont parvenus, au commen-
cement du X116 siecle, a former une ecole de sculpteurs avec les elements
que nous venons d'indiquer, il est evident que sur les bords du Rhin,
qu'en Provence et a Toulouse, l'influence byzantine süitait fait sentir des
avant les premieres croisades, et avait permis de constituer des ecoles de
sculpture relativement ilorissantes. Sur les bords du Rhin, les tentatives
de Charlemagne pour faire renaitre les arts avaient porte quelques fruits.
Ce prince s'etait entoure d'artistes byzantins, avait recu de Byzance et de
Syrie des presents considerables en objets d'art. Depuis son regne, les
traditions introduites par les artistes orientaux, les objets reunis dans
les monastcres, dans les palais, avaient permis de former une ecole
pseudo-byzantine, qui ne laissait pas d'avoir une certaine valeur relative.
En Provence, dans une partie du Languedoc, et a Toulouse notamment,
une autre ecole s'il-tait constituee des le x18 siecle, en s'appuyant sur les
exemples si nombreux d'objets d'art rapportes d'Orient par le commerce
de la Mediterranee.