L SCULPTURE 1 98
ont ete appeles a travailler sur le tas, dest-a-dire a executer sur le mo-
nument meme des parties de sculpture, suivant une donnee generale
delinie, arretee. Mais, maigre ces tentatives dont nous apprecions la
valeur, l'habitude du travail de l'atelier etait si bien enracinee, que ces
sculptures semblent, le plus souvent, des hors-d'oeuvre, des accessoires
decoratifs apportes apres coup, et n'ayant avec l'architecture aucuns
rapports d'echelle, de style et de caractere. Nous n'avons pas a appre-
cier ici le plus ou moins de valeur de la sculpture moderne. Nous avons
tenu seulement tout d'abord a ctablir cette distinction entre les oeuvres
de Pantiquite, du moyen age et des temps modernes, savoir : que, dans
l'art du moyen age, la sculpture ne se separe pas de l'architecture; que
la sculpture statuaire et la sculpture d'ornement sont si intimement
liees, qu'on ne saurait faire l'histoire de l'une sans faire l'histoire de
l'autre.
Cette histoire de la sculpture du moyen age exige, pour etre comprise,
que nous jetions un regard rapide sur les ceuvres de Fantiquite, les-
quelles ont influe sur l'art occidental a dater du x10 siecle, tantet direc-
tement, tantot par des voies detournees, tres-etranges et generalement
peu connues.
La sculpture, dans Yantiquite, procede de deux principes differents,
qui forment deux divisions principales. ll y a la sculpture hieratique et la
sculpture qui, prenant pour point de depart l'imitation de la nature, tend
a se perfectionner dans cette voie, et sans s'arreter un jour, apres etre
montee a Yapogee, descend peu a peu vers le realisme pour arriver a la
decadence. Les peuples orientaux, l'inde, l'Asie Mineure, Hijgypte meme,
n'ont pratiqtie la sculpture qu'au point de vue de la conservation de
certains types consacres. La Grece seule s'est soustraite a ce principe
enervant, est partie des types admis chez des civilisations anterieures,
pour les amener, par l'observation plus sure et plus exacte de la nature,
par une suite de progres, soit dans le choix, soit dans Pexecution, au
beau absolu. Mais, par cela meme qu'ils marchaient toujours en avant,
les Grecs n'ont pu etablir ni Fhieratisme du beau selon la nature, ni
Phieratisme du convenu, d'on ils etaient partis. Apres etre montes, ils
sont descendus. Toutefois, en descendant, ils ont seme sur la route des
germes qui devaient devenir feconds. C'est la, en effet ce qui etablit la
superiorite du progres sur le respect absolu a la tradition, sur Yhiera-
tisme. S'il n'en etait pas ainsi, on pourrait soutenir que Fhieratisme,
en le supposant arrive des l'abord a un point tres-eleve, comme en
Egypte, est superieur au progres, puisqu'il maintient l'art le plus long-
temps possible sur ce sommet, tandis que la voie progressive atteint la
perfection un jour, pour descendre aussitot' une pente opposee a celle
de l'ascension. L'art liieratique est sterile. Ses produits palissent chaque
jour, a partir du point de dcpart, pour se perdre peu a peu dans le me-
tier vulgaire, d'oi1 les civilisations posterieures ne peuvent rien tirer. Il
est impossible de ne pas etre frappe d'etonnement et d'admiration devant