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YOUTE
fait de depenses inutiles. On cite a peine un ou deux exemples de voütes
d'arete avec coupes appareillees dans tous les edilices de la Rome an-
tique. Par ce meme motif d'econo1nie, ont-ils evite les penetrations,
les arriere-vfoussures, les pendentifs d'appareil, dont nos architectes
modernes qui pretendent avoir etudie l'architecture antique pour en
tirer un profit se montrent si prodigues, au grand dommage de nos
tinances 1.
Nous devions nous etendre quelque peu sur le systeme de structure
des voütes romaines pour mieux faire saisir certaines analogies entre ce
systeme et celui adopte en France vers le milieu du Xlle siecle. Analogies
de principes, comme on va le voir, non de formes; ce qui prouve une
fois de plus que des principes vrais, etablis sur une observation juste et
un raisonnement logique, ne sont point une entrave dans l'art de l'archi-
tecture, mais au contraire la seule force productrice.
A la {in de l'empire deja, ces methodes employees dans la construction
des voütes s'etaient alterees; les constructeurs negligeaient d'appliquer
regulierement les procedes admis dans les edifiees romains jusqu'aux
Antonins. A Byzance, les grandes VOÜIBS de Feglise de Sainte-Sophie
sont grossierement faites. Il va sans dire que pendant les premiers siecles
du moyen fige, les dernier-es traces de ces traditions de la bonne epoque
romaine etaient effacees. On cherchait a reproduire sur de petites
dimensions les formes apparentes des voütes romaines, mais on n'en
connaissait plus la vreritable structure. Ce n'est qu'au commencement
du xne siecle qu'il se manifeste tout a coup un progres dans la structure
des voütes, et qu'apparait l'embryon d'un systeme nouveau en Occident.
Ce plienomene se produisant au moment des premieres croisades, il
etait assez naturel d'attribuer ce brusque developpement a une influence
orientale; mais les documents que l'on avait pu recueillir jusqu'a ces
dernieres annees ne venaient guerc conlirmer ces conjectures a priori,
lorsque M. le comte Melchior de Vogüe entreprit un voyage dans la
Syrie centrale. Accompagne par un jeune architecte, habile dessinateur,
M. Duthoit, M. le comte de Niogüe rapporta de ces contrees une masse
de documents d'une haute importance pour l'histoire de notre art
franeais, car ils nous donnent l'explication des progres qui se manifes-
terent si rapidement en Occident des les premieres annees du X110 siecle 2.
En effet, ces monuments de la Syrie centrale, dus a une civilisation
1 Un jeune ingenienr frangais, M. Choisy, va publier prochainement un travail tres-
complet sur la structure des voütes romaines, (Papres les monuments. Ce recueil, que
nous avons eu entre les mains, donne en detail lcs divers procedäs employes par ces
grands constructeurs, et demontre, de la maniäre la plus evidente, que Peconomie dans
la däpense etait une de leurs principales preoccupations. Nous engageons les architectes
qui veulent serieusement connaitre les procedes employes par les Romains dans les con-
structions 11 recourir aux travaux de M. Choisy sur cette matiäre.
2 Voyez la Syrie centrale; architecture civile et religieuse du l" au vue siäcle, par
M. le comte Melchior de Vogiiä. Baudry, edilcur.