1135
VITRAIL
sombres. Des la seconde moitie du X111" siecle, on songea donc a donner
plus de lumiere dans Yinterieur des edifices en composant des verrieres
partie en grisailles, partie en panneaux colores. On concoit sans peine
que cette innovation dut changer completement les conditions d'har-
monie. Les surfaces blanc nacre des parties en grisailles devaient faire
paraitre lourdes et obscures les surfaces colorees voisines. On introduisit
donc dans ces dernieres de grandes parties claires, des bleus limpides et
verdatres, des jaunes, des rouges et pourpres tres-clairs, des blancs ver-
(latres ou roses. D'ailleurs les panneaux legendaires ou les grandes
figures isolees etaient toujours entoures d'un fond bleu, le plus souvent
avec filets d'encadrement. Outre la plus grande masse de lumiere, on
obtenait ainsi une economie notable sur la vitrerie des grands edilices,
car les grisailles, memc les plus chargees, ne content pas la moitie du
prix de revient des vitraux colores. Dans les fenetres hautes de la cathe-
drale d'Auxerre, qui datent de la seconde moitie du XIII" siecle, on avait
dejättentc l'emploi de ce moyen; mais la les grisailles sont d'un dessin tres-
large et ferme qui combat la trop grande lucidite de ces surfaces claires,
incolores, opposees, dans une meme fenetre, a des surfaces colorees. La
grisaille n'occupe qu'une faible partie du vitrail, et compose comme une
marge entre 16 Sujet principal et la bordure toujours coloree. Voici un
exemple tire des hautes fenetres du chceur de cette cathedrale (fig. 33)
Le fond de la figure et du dais qui la surmonte est bleu; les tons du dais
sont : le blanc, "le jaune, le vert pale avec touches rouges dans les deux
petites baies latex-ales. Cette harmonie tries-claire sert de liaison entre les
deux bandes B de la grisaille. Il en etait de meme du socle, detruit
aujourd'hui et remplace par un panneau du xvle siecle; le personnage
porte une robe vert d'emeraude, un manteau pourpre clair, un bonnet
vert, un phylactere blanc. La bordure est composee de feuilles vert
bleuatre et jaunes sur fond rouge. La lumiere donnee par ces sortes de
i-erpigms est d'autant plus brillante, qutelles se detachent sur la partie
superieure du ciel. Pour combattre l'effet devorant de cette lumiere
dans les bandes en grisailles, celles-ci sont peintes en traits epais avec
treillisse tres-fourni entre les ornements, si bien que, pres de Fceil, la
surface des lumieres est moins importante que celle occupee par la
grisaille opaque. Dans le meme fenestrage du choeur de la cathedrale
d'Auxerre, des grisailles occupant la meme place sont melees de touches
et de filets en couleur. L'effet est moins franc, moins comprehensible.
C'est cependant ace dernier parti que les peintres verriers de la fin du
X111" siecle sattacherent dans la composition de beaucoup de fenetres
a grands sujets ou personnages. Les charmants panneaux des fenetres
de la galerie du chuzur de Peglise Saint-Urbain de Troyes, dont nous
avons donne un echantillon (fig. 30), sont compris entre des comparu-
1 Vovez l'ensemble de ce fenestrage dans l'ouvrage du R. P. Llartin. Voyez l'ouvrage
de M. F. de Lasteyrie.