[ VITRAIL j 382
Cette palette composee, les verriers procedaient comme l'indique le
moine Theophile. Ils tracaient sur un carton les lineaments principaux
des figures et ornements. Ces lineaments principaux donnaient les plombs;
ou plutot les plombs n'etaient que le dessin scrupuleux de toutes les
parties. En composant son carton, l'artiste pensait a la mise en plomb ;
cela ressort clairement de l'examen attentif des verrieres du xne siecle,
puisque les contours sont toujours appuyäs par un plomb qui fait ainsi le
trait general. Sur ces cartons, les artistes peignaicnt-ils toutes les, om-
bres, demi-teinles et lineaments interieurs? Nous ne le croyons pas,
pour deux raisons: la premiere, c'est qu'il arrive parfois que des pieces
de verre n'ont ete que decoupees, et, par manque de temps ou par oubli,
elles n'ont point etc achevees de peindre ; la seconde, que parfois aussi
un meme carton a servi pour deux figures, en pendants par exemple, et
que le modele interieur differe dans ces deux figures. Il y a tout lieu
d'admettre que le maitrc tracait les contours sur le carton, avec quel-
qucslineaments interieurs principaux; que les ouvriers coupaient les
verres sur ce carton en calquant les lineaments principaux comme points
de repere, et que les verres asscmbles provisoirement sur le chassis,
il l'oppose de la lumiere du jour, on les peignait d'inspiration, sans re-
courir a un carton opaque modele d'avance.
La llgure 3' fera comprendre cette facon de proceder. En A, nous
avons trace le carton prepare parle maitre; en B, le modele fait sur les
verres memes, lorsqu'ils ont ete coupes et assembles provisoirement sur
le chassis acontre-jour. On concoit comment avec un dessin aussi prccis,
donnant les plombs, il n'etait guerc necessaire d'indiquer sur le carton
tout le modele. Les lignes ponctuees sur la figure A donnent les plombs
de jonction qui contrarient les contours. Pour eviter de trop grandes
pieces de verre, le maitre a trace, sur le manteau, la bande a, qui est
d'une autre couleur et que les plombs dessinent franchement.
Il fallait necessairemeut que les ouvriers peintres charges d'apposer
la grisaille ou le modele sur les morceaux de verre decoupes d'apres le
carton sussent dessiner. Il est vrai de dire qu'alors en Occident, comme
dans les ecoles byzantines, on avait de veritables procedes pour peindre
une tete ou un vetemcnt? ; et ces procedes etaient, atoutprendre, etablis
sur une longue et profonde observation des effets decoratifs. Il suffisait
donc, des que le maitre avait trace le carton (et alors le style lui appar-
tenait), de trouver des ouvriers habiles de la main et assez imbus des
procedes traditionnels pour peindre sur les verres coupes le modcle co11-
venable. Nous ne comprenons pas l'art de la peinture de cette faqon au-
jourd'hui, et il ne faut pas le regretter, s'il s'agit de tableaux faits pour
1 D'un vitrail de la cathddralc du Mans, commencement du X119 siiaclc, roprdsentazlt
lüäscension.
2 Voyez le Manuel d'z'conograplzz'e chreftienne grecque e! lüfimä avec 11110 illtwdllction
par M. Didron, traduit du manuscrit byzantin par le docteur Paul Durand. Paris, 18135.