VITRAIL ]
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un oxyde? Il y a tout lieu de croire que le saphir grec etait un verre
bleuatre des fabriques de Venise qui avait une propriete fondante. Et en
effet, les verres de Venise possedent cette qualite a un degre tries-supe-
rieur anos anciens verres. Ces trois substances sont broyees sur une ta-
blette de porphyre, melees en parties egales ; savoir: un tiers de cuivre,
un tiers de saphir grec, un tiers de verre vert, et delayfees avec du vin
ou de l'urine. Cette couleur, placee dans un pot, est appliquee au pin-
ceau, soit claire, soit plus sombre, soit epaisse, pour faire des traits noirs
et lins; ou bien elle est etenclue sur le verre en couche mince et est en-
levee avec un style de bois, de facon a former des ornements tres-delies
ou des touches se detachant en lumiere sur un fond obscur, mais encore
translucide.
Les verres, ainsi prepares, sont mis au four afin de vitrifier cette pein-
ture monochrome. D'apres Theophile, ce serait donc a l'aide d'un oxyde
de cuivre que cette couleur brune serait obtenue. Cependant les mor-
ceaux de vitraux peints des xue et XIIIe siecles, que nous avons pu faire
analyser, n'ont donne, pour cette coloration vitriliee noire-brune, que (les
oxydes de fer, et c'est encore le protoxyde de fer qu'on emploie aujour-
d'hui pour cet objet 1. Du reste, un protoxyde de cuivre calcine donne
une poudre brune qui, mise au four avec un fondant, peut produire un
effet analogue a celui que presente le protoxyde de fer, mais avec une
nuance verclatre.
Une question importante dans la fabrication des vitraux, en dehors
de celles qui concernent l'artiste, c'est la maniere d'obtenir les feuilles
de verre. Au xne siecle, d'apr'es Theophile, les plaques de verre etaienl
obtenues 51 l'aide de deux proeedes qu'on n'emploie plus de nos jours.
Avec la canne a soufller, l'ouvrier cueillait dans le creuset une masse
de verre incandescent; il soufllait de maniere a obtenir une bouteille
en forme de vessie allongee. Approchant Fextremite de cette vessie de
la flamme du fourneau, cette extremite se liquetiait et se pereait. Avec
un morceau de bois, l'ouvrier dilatait cette ouverture de facon qu'elle
arrivät au diametre le plus large de la vessie.
Alors de ce cercle inferieur, en rapprochant les deux bords opposes,
il formait un huit. Le verre, ainsi prepare, etait detache de la canne au
moyen du frottement d'un morceau de bois humide sur le col de la bou-
teille. Faisant chaulfer Pextremite de la canne au four, avec les parcelles
de verre incandescent qui y tenaient encore, il collait le bout de la canne
1 M. Oullinot, peintre verrier, a fait analyser de son cüte des fragments de verrier-es
des xne et 1m10 sieeles, peints; et l'analyse n'a egnlemeilt donne que du protoxyde de fer.
Aujourd'hui cette peinture est obtenue au moyen de battitures de fer qu'on ramasse
chez les forgerons, qu'on tamise pour en separcr les parcelles metalliques et qu'on
broie avec un fonclana. On employait aussi autrefois et l'on emploie encore un minerai
de fer appelä ferret difspngue, qui est un oxyde de fer naturel plus brun que la san-
guine. Cette substance donne a la grisaille un ton plus chaud que la battiture de fer des
forgerons.