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l'on possede sur la fabrication des vitraux, et ce religieux vivait dans la
seconde moitie du xue siecle 1; du moins les recettes qu'il donne, le goüt;
de l'ornementation qu'il prescrit, semblent-ils indiquer cette date.
Ce n'est pas en theoricien que Theophile ecrit son livre, mais en pra-
ticien; aussi a-t-il pour nous aujourd'hui un interet serieux, d'autant que
les proccdes qu'il indique concordent exactement avec les monuments
qui nous restent de cette epoque. Il nous faut donc analyser ces docu-
ments. Il commence 2 par donner la maniere de composer les verrieres.
a D'abord, dit-il, faites une table de bois plane et de telle largeur et.
longueur que vous puissiez tracer dessus deux panneaux de chaque
fenetre. n Cette table est enduite d'une couche de craie detrempee dans
de l'eau et frottee avec un linge. C'est sur cette preparation bien scche
que l'artiste trace les sujets ou ornements avec un style de plomb ou
d'etain ; puis, quand le trait est obtenu, avec un contour rouge ou noir,
au pinceau. Entre ces lineaments, les couleurs sont marquees pour
chaque piece au moyen d'un signe ou d'une lettre-
Des morceaux de verre convenables sont successivement poses sur la
table, et les lineaments principaux, qui sont ceux des plombs, sont cal-
ques sur ces verres, lesquels alors sont coupes au moyen d'un fer chaud
et du gräsoir 3.
Theophile ne dit pas clairement s'il indique sur la table (que nous
appellerons le carton) le modele complet des figures ou ornements. Il
ne parle que du trait ; cependant, lorsqu'il s'agit de peindre, dest-a-dire
de faire le modele sur les verres decoupes, il dit qu'il faudra suivre
scrupuleusement les traits qui sont sur le carton. Ce passage s'explique
naturellement, si l'on examine comment sont peints les vitraux du
x11" siecle.
Sur ces morceaux de verre, le modele n'est autre chose qu'une suite
de traits dans le sens de la forme-
Nous allons revenir tout a l'heure sur cette partie importante de l'art
du verrier.
Theophile4 indique la recette pour faire la grisaille, le modelc, le trait
repete sur les verres. Tous ceux qui ont regarde de pres des vitraux fa-
briques pendant les xue et XIIIB siecles, savent que les verres employes
sont colores dans la pate, et que le modele n'est obtenu qu'au moyen
d'une peinture noire ou noir brun appliquee au pinceau sur ces verres
et vitrifiee au feu. C'est de cette couleur noire que parle Theophile dans
son chapitre XIX. Il la compose de cuivre mince brüle dans un vase de
fer, de verre vert et de saphir grec. Il ne nous dit pas ce qu'il entend par
saphir grec. Etait-ce une substance naturelle ou artificielle, un fondant,
1 Diversarum artiunz Schedula.
2 Lib. Il, cap. xvu.
3 Le diamant remplace avantageusement aujourd'hui le fer chaud.
" Lib. Il, cap. xlx, De colore cum quo vitrum pingitur.