[ VIERGE ] 36h
Fils. Elle est un intermediaire, un moyen divin, mais ne participe pas
a la Divinite. Si au X118 sieele le dogme, en cela, ne change pas, les arts
en modifient singulierement le sens ; et les arts ne sont, bien entendu,
qu'une expression d'un sentiment populaire qui exagerait ou depassait
la pensee dogmatique. Les eveques, en faisant rebatir leurs cathedrales
dans le nord de la France, vers la fin du X118 siecle, sous une inspiration
essentiellement laique 1, crurent devoir abonder dans le sens religieux
des populations. La plupart de ces grands edifices furent places sous le
vocable de Notre-Dame; et la place de la mere de Dieu prit une impor-
tance toute nouvelle dans l'iconographie religieuse. A Notre-Dame de
Senlis, l'histoire de la sainte Vierge occupe le portail principal; a Notre-
Dame de Paris, deux des portes furent. reservees aux representations de
la Vierge, celle de gauche de la facade occidentale, et celle du transsept
du cote septentrional. A Reims, la statue de la sainte Vierge occupe le
trumeau de la porte centrale. A Notre-Dame de Chartres, une des portes
du XIIE siecle est consacree a la Vierge, etc. Le sentiment populaire, qui
tendait dejaa considerer la Vierge comme un personnage quasi divin,
ne fit que croitre. Des eglises et des chapelles sans nombre furent elevees
a la mere du Sauveur. Les statues abondaient non-seulement dans les
monuments religieux, mais dans les carrefours, aux coins des maisons,
sur les facades des hotels, sur les portes des villes, des chateaux. La re-
presentation du Christ etait, avant cette epoque, admise dans les monu-
ments comme personnage divin, visible et tangible, tandis que celle de
Dieu le Pere n'etait que tres-rarement reproduite (voy. TRINITE). Cela
etait d'ailleurs conforme au dogme catholique; il etait naturel de repre-
senter le Fils de Dieu, puisque le Pere avait voulu qu'il descendit sur la
terre et se fit homme.
On voit, par exemple, sur un grand nombre de sarcophages chreliens
du ve au vme siecle, le Christ represente au milieu des apotres, sous la
figure d'un jeune homme imberbe. Le pere n'est figure, dans ces sculp-
tures, que par une main qui sort d'une nuee. Quant a la Vierge, il n'en
est guere question, ou, si elle apparait, elle occupe une place intime, infe-
rieure meme a celle des apotres. Les artistes se conformaient en cela a la
lettre des Evangiles. La Vierge ne commence a prendre une place appa-
rente qu'au moment ou l'on representa le erucitiement, dest-a-dire, en
Occident, vers le vine ou 1x6 siecle. Alors, eonformement au texte de
PEvangile de saint Jean, elle occupe la droite de la croix et saint Jean
1a gauche. Dans les scenes du Jugement dernier du commencement du
XIIE siecle, comme a Vezelay, par exemple, et un peu plus tard a Autun,
la Vierge n'intervient point; tandis que nous la voyons agBHOUiUÜB 51 la
droite de son fils, priant pour les humains, dans les scenes du Jugement
qui datent du commencement du x11? siecle.
Mais, avant cette epoque, (fest-a-dire vers M110, deja elle est assise sur
1 Voyez CATHEDRALE.