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pas suppose inspire par une puissance superieure a lui. La Genese fait
intervenir, il est vrai, entre le premier homme et la premiere femme, le
serpent 1 : a Le serpent etait plus ruse que tous les animaux de la terre
a que Feternel Dieu avait faits; il dita la femme... etc. n Dans cet exemple,
il n'est nullement question de puissance rivale, de l'Esprz't du mal. Le
serpent donne un conseil perfide ; il n'est pas dit qu'un esprit ait revetu
sa forme, qu'il y ait un interet, qu'il en doive proiiter; aucun esprit ne
conseille a Gain de tuer son frere. L'Eternel, voyant Cain abattu lorsque
son sacrifice est repousse, lui dit : a Certes, si tu te conduis bien, tu seras
a considere, si tu ne te conduis pas bien, le pächä fassiäge a la porle, il
a veut fatteindre, mais tu peux le maitriser 2. n Pour les Grecs comme
pour tous les peuples de race aryenne, le Mal etait une force naturelle
comme le Bien, force rivale, vaincue necessairement, mais immortelle,
luttant sans treve, independante et veneree a cause de sa qualite divine.
L'homme n'etait qu'un jouet entre ces deux puissances, invoquant l'in-
tervention de la bonne contre les actes de la mauvaise, mais ne croyant
pas que sa volonte personnelle püt lutter contre cette derniere. Le pan-
theisme-nous parlons du pantheisme primitif appuye sur l'observation
des phenomenes naturels, et non du pantheisme enervfe et superstitieux
des derniers temps considerait l'action des forces divines comme
agissant bien au-dessus de la frele humanite, comme engageant des
luttes et exercant sa puissance dans une sphere tres-superieure aux
interets humains. L'homme etait fatalement soumis a des decrets dont
il ne pouvait penetrer les motifs, et s'il invoquait les dieux, ce ifetait
jamais avec l'espoir de leur faire modifier en sa faveur le cours des choses.
Uegoisme semitique admet que J ehovah arrete la marche du soleil
pour permettre a J osue d'ecraser ses ennemis; on ne trouverait pas une
legende analogue dans toute l'histoire religieuse des Aryas. Pour eux,
les forces de la nature agissent dans la plenitude de leur puissance
indcpendante. Une divinite peut lutter contre le soleil, elle ne saurait
lui commander d'arreter son cours.
Ce preambule etait necessaire pour expliquer un phenomene philoso-
phique qui se produit dans l'iconographie chretienne de FOccident, vers
la {in du X110 siecle. Alors les artistes, evidemment inspires par les idees
du temps, ne font plus intervenir, absolument, F-Esprit du mal; ils ad-
mettent des qualites bonnes et mauvaises, qualites inherentes a l'homme;
ils les personnilient. C'est un pantheisme circonscrit dans l'aime humaine
au lieu d'avoir pour siege l'univers. Il est evident que le mot panthäisme
ici ne peut rendre entierement notre pensee ; on IfGdOTLZÜ pas la Charite
ou le Courage, on les personnifiait ; on leur donnait un corps, des attri-
buts, le nimbe meme parfois; et si l'on ne rendait pas un culte ä ces
abstractions metaphysiques, la foule arrivait a les considerer comme des
1 Genizse, chap. m, trad. de Cahcn.
2 Genizse, chap. w.