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a resoudre : des traditions etablies peuvent etre suivies et fournir long-
temps une carriere a l'artiste; mais si ces traditions viennent a manquer,
ou sont reconnues insuflisantes, l'art, pour ne pas tomber au dernier
degre de l'affaissement, a besoin de recourir a des principes absolus, doit
adopter une methode logique dans sa marche, serree dans son applica-
tion. Les maitres du xue siecle comprirent ainsi leur role, et s'ils ne nous
ont pas laisse d'ecrits pour nous le dire, ils ont eleve assez de monuments,
encore entiers, pour nous le prouver. Alors les developpements de_l'ar-
chitecture religieuse et de l'architecture militaire etaient ce qui preoc-
cupait le plus ces maitres, et cependant les principes qu'ils adoptent,
s'etendent sur toutes les autres branches de l'art. Une fois dans la voie
logiquement tracee, ils ne s'en ecartent pas, car elle les conduit aussi
bien a la structure de Feglise, sur des formes nouvelles, qu'a celle de la
forteresse, du palais ou de la maison.
Nous avons etc si fort deshabitues de raisonner, quand il s'agit d'ar-
chitecture; les formules academiques sont tellement ennemies de l'exa-
men, de la critique, de la juste appreciation de l'objet, du besoin et des
moyens pratiques, que, de nos jours, la necessite faisant loi et etant
superieure aux prejuges d'ecoles, les architectes ont vu s'elever a cote
d'eux un corps puissant destine probablement a les absorber. Ceux que
nous appelons ingänieurs ne font pas autre chose, a tout prendre, que
ce que iirent les maitres laiqties vers le milieu du x11" siecle. Ils prennent
pour loi : le besoin exactement rempli a l'aide des moyens les plus vrais
et les plus simples. Si leur methode n'a pu encore developper des formes
d'art nouvelles, il faut s'en prendre a l'influence de ces prejuges d'ecoles
auxquels ils n'ont ose se soustraire encore entierement. Ils arriveront a
s'en affranchir, on n'en saurait douter, car, encore une fois, la necessite
les y pousse : l'exemple que nous presentons ici ünira tot ou tard par
les convaincre qu'il est des traditions abalarrlies avec lesquelles il faut
rompre; qu'on ne renouvelle pas un art comme l'architecture, en s'as-
similant des formes anterieurcs sans les passer au crible d'un examen
scrupuleux, mais bien plutot en partant d'un principe etabli sur le rai-
sonnement et sur la logique.
Peut-etre les moines du x11" siecle exprimerent-ils leurs regrets de
voir abandonner les traditions de l'art roman et les restes des arts anti-
ques, en face de la nouvelle ecole des maitres laiqrles qui cherchaient a
etablir leur systeme sur l'examen, les procedes geometriques et la stricte
observation du besoin.....; leurs doleances ne sont point parvenues jus-
qu'a nous; et, d'ailleurs, si elles se produisirent, le mouvement social
qui pretendait soustraire la civilisation a leur influence exclusive fut le
plus fort. Les ecoles des couvents elles-memes, bien que puissantes,
furent entrainees, en tant que les etablissements monastiques aient con-
serve des ecoles de maitres des oeuvres, le xne siecle ecoule. Il faut rendre
cependant aces etablissements la justice qui leur est due, ils avaient
commence (les Glunisiens entre tous) la revolution savante qui allait