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elles sont au donjon ce que celui-ci est au chateau. Il ne faut pas perdre
de vue la veritable fonction du donjon, qui est l'habitation du seigneur;
or, il est fort rare de trouver des donjons qui, comme ceux du Louvre et
de Coucy, ne se composent que d'une grosse tour sans aucune depen-
dance. Nous voyons que les donjons normands, ceux du Berry, du Poi-
tou, consistent habituellement, jusqu'au XIII" siecle, en un gros logis
quadrangulaire divise E1 chaque etage en deux salles. Ce donjon etait
toujours l'habitation seigneuriale. Les donjons du Louvre et de Coucy
sont des exceptions, et ne servaient de logis seigneurial qu'en temps de
guerre (voy. DoNJoN).
Dans tous les chateaux de quelque importance, il est une partie plus
forte, dont les murailles sont plus epaisses, qui domine les autres ou-
vrages; partie qui est reellement le donjon. Ou ce donjon est renforce
d'une tour plus haute et plus forte que les tours de flanquements; ou
bien, a cote de 1a partie du chateau qui ctait le plus specialement
reservee 51 l'habitation du seigneur, est une tour isolee qui devient, en
cas de siege, le reduit dans lequel le seigneur se retire avec ses tideles,
sa famille et ce qu'il possede de plus precieux. Enferme dans cette tour,
il surveille les dehors (car ces ouvrages sont eleves sur le point le plus
accessible); il contient sa garnison et peut soutenir un second siege lors-
que le chateau proprement dit est pris. Si le chateau n'occupait pas une
surface de terrain assez etendue pour y etablir les batiments destines a
1a garnison, une cour, un logis pour le seigneur, un donjon complet;
si son perimetre etait resserre, le seigneur, en temps ordinaire, occupait
avec les siens le logis; en temps de guerre il appelait les hommes liges,
ceux qui lui devaient leservice militaire, il recrutait des gens de guerre
soldes, et se retirait, lui et ses proches, dans une tour, la plus forte, qui
devenait ainsi le donjon. Nous trouvons la trace bien evidente de cet
usage jusqu'au XIVÜ sieele, dans les places fortes completes, mais petites,
de la Guyenne. Plus anciennement, dans des chateaux de Hle-de-France
d'une rnediocre etendue, nous pouvons egalement reconnaitre cette dis-
position. A peine si les caracteres effaces de notre siecle nous permettent
de comprendre la vie, en temps de guerre, d'un seigneur possesseur de
fiefs considerables et d'une belle et grande habitation seigneuriale ; mais
combien nous sommes loin de nous representcr exactement Fenergie
morale et physique de ces chatelains possesseurs de forteresses peu
etendues, et dans lesquelles cependant ils n'hesitaient pas, au besoin,
a se defendre contre des voisins dix fois plus puissants qu'eux. Dans ces
places resserrees, le chätelain, entoure d'un petit nombre de vassaux
sur la fidelite desquels il pouvait toujours compter, sienfermait dans
la tour maitresse, et de la devait pourvoir a l-a defense exterieure, pre-
voir les trahisons, et inspirer assez de crainte et de respect 51 sa garnison
pour qu'elle ne fut pas tentee de l'abandonner. Alors (ce fait se presen-
tait-il souvent) le chatelain et quelques fideles, les ponts coupes, les
herses baissees, les portes et fenetres barricadees, enclos dans ce dernier