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PONT
sant : Que le senechal ne pouvait agir au nom du roi de France dans un
lieu qui etait du domaine de la juridiction du roi de Sicile, comte de
Provence. Rodolphe de Meruel, architecte de la tour de Villeneuve,
n'en poussa qu'avec plus d'activite la construction de cette defense, et.
il ne parait pas que le roi de France, une fois bien assis sur ce point,
ait tolere sur la rive droite du fleuve l'exercice de la juridiction avi-
gnonaise. Gette juridiction fut exercee neanmoins pendant quelque
temps dans les iles; mais apres avoir si bien etabli ce qu'ils conside-
raient comme un droit, les officiers du roi de France n'eurent garde de
s'arreter en si beau chemin, et sbpposerent a tout acte de juridiction
dans les iles 1. Si nous avons rapporte tout au long cette histoire du
pont dlävignon et des batiments qui le fermaient dupote de laFrance,
c'est afin de faire connaitre que les difficultes opposees par la nature
n'etaient pas les seules qu'il y avait a surmonter dans les temps feo-
daux, s'il s'agissait de batir un pont. En effet, les fleuves, et souvent
meme de minces rivieres, formaient la limite entre des territoires ap-
partenant a divers seigneurs, et Fetablissement d'un pont (letruisait
cette limite; chacun alors cherchait a fermer cette communication
d'un territoire a l'autre par un chatelet, ou bien s'opposait simple-
ment a son etablissement. La division feodale, bien plus encore que
l'impuissance des constructeurs, devenait un obstacle a Fetablissement
des ponts.
ne pouvait etablir des forteresses sur les ponts que sur l'auto-
risation des fondateurs; mais il faut croire que la necessite fit souvent
enfreindre cette condition, car nous ne connaissons pas de pont im-
portant du moyen age qui ne soit defeildu. On ne potivait non plus y
etablir des peages que du consentement des fondateurs-f. Guillaume,
1e Grand, duc d'Aquitaine, par une charte de 998, (lefend pour tou-
jours de percevoir des peages au passage du pont royal. a Eudes, comte
a de Ghartres, de Tours et de Blois, fit une defense analogue en 1036.
a Il declara qu'ayant fait batir un pont a Tours dans le seul but de
a faire une action meritoire pour le salut de son ame, il ne voulait pas
c qu'il y fut percu des droits d'aucune especea. v ll n'entrait vraisem-
blablement pas dans la pensee des fondateurs du pont d'Avignon d'y
etablir des defenses, au moins du cote de la rive droite, et cependant
nous voyons qu'un siecle api-es sa construction, le roi de France plante
' ATchives municipales dlflvignmi; procels du Rhäne, t. I", p. 65. Nous devons ces rcu-
seignements au savant archiviste de la prefecture de Vaucluse, M. Aeliard, qui possede sur
Avignon et le comtat Venaissin des notes preeieuscs dont il a bien voulu nous permettra:
de faire usage.
2 (rUne 011211101), dit M. A. Champollion-Figeac dans son recueil intitule : Droits et
usages (Paris, 1860), a une charte de l'empereur Frederie, de lkmnee 1158, et un acte
H relatif in Pubbaiye de Saint-Florent (eoll. de Camps), de Fanuee 1162, pour un pont biiti
(r sur la Loire, constatent encore ces deux faits n (la defenso dllevei- des forteresses sur
165 ponts ou d'y percevoir un päage quelconque sans autorisation des fondateurs)...
x IbicL, p. 125.