PIERRE
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soit "en les portant sur des corbeaux ou sur des arcs, soit en laissant
sous leur lit un espace vide ou bien rempli d'une matiere impermeable-
tel qu'un mastic a l'huile ou a la resine. Ils n'avaient pas moins observe
les effets que certaines pierres juxtaposees produisent les unes sur les
autres. Ainsi les gres, ayant la [iropriele (le contenir une grande quan-
tile d'eau, absorbent rapidement celle du sol et de Fatmosphere.
Lorsqu'au-dessus de ces assises de gres on pose des pierres qui se
salpetrent assez facilement, on voit bientot la decoinposition se pro-
duire pres de leur lit touchant au gres, et cette decomposition ne
s'arrete plus, elle monte chaque annee". Ges memes pierres, posees sur
des assises d'une roche calcaire ifabsorbant pas une aussi grande quan-
tite d'eau que le gres, ne se seraient peut-etre jamais decomposees.
Aussi, quand les constructeurs du moyen age ont pose des assises de
gres en soubassement surmontees d'assises calcaires, ils ont eu le soin
de choisir celles-ci parmi les qualites compactes n'etant pas sensibles
a l'action du salpetre, ou bien ils ont interpose entre le gres et le cal-
caire un lit d'ardoises (schiste). Cette methode a ete tires-frequemment
einployee pendant les XlVe et xve siecles.
Toutes les pierres calcaires, au sortir de la carriere, contiennent une
quantile d'eau considerable; sitot exposees a l'air, une grande partie de
cette eau tend a s'evaporer, et arrive successivementdu coeur a la sur-
face. En faisant ce trajet, cette eau entraine avec elle une certaine quan-
tite de carbonate de chaux en dissolution qui se cristallise sur le pare-
ment, et forme une cronte ferme, resistante, qui non-seulement preserve
la" pierre des agents exterieurs, mais lui donne une patine, une couverte
que rien ne peut remplacer. Les constructeurs du moyen tige ayant eu
pour habitude de tailler detinitivement la pierre sur le chantier avant
le montage et la pose, il en resultait que cette patine se formait sur les
moulures et sur les sculptures comme sur les parements, et. que Pedi-
tice construit etait uniformement recouvert (le cet.te croüte produite
par ce qu'on appelle l'eau de carriäre. Cfetait un double avantage : pape-
ments resistant mieux aux agents atmospheriques, et belle couleur uni-
forme et chaude que donne cette patine naturelle. L'usage moderne de
monter les edifices epanneles seulement et de faire les ravalements
Mes-longtemps souvent apres que la pose a ete achevee, d'enlever sur
ces materiaux mis en oeuvrel ou 2 centiinetres depaisseuretquelque-
fois plus, a pour consequence de (letruire a tout jamais cette croüte pre-
servatrice, puisqu'elle ne se forme sur les parements qu'autantque la
pierre est fraichement extraite de la carriere. Cet usage moderne est
particulierement funeste ala conservation des pierres tendres, telles que
le banc royal de l'0ise, les vergeles ; les calcaires de Saintonge,de Gaen;
les calcaires alpins de Beaucaire, les calcaires tendres de Bourgogne;
les pierres de Molenes, de Mailly-lzi-Ville, de Courson, de Tonnerre ; les
craies. Mais que dire de cet autre usage de gratter a vif des parements
anciens? On leur enleve ainsi Peleinent conservateur qui les a preserves
pendant plusieurs siecles; on tue la pierre, pour nous servir d'une