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de chacun d'eux pris isolement. Il n'y aura pas un de ces pelotons de
laine qui ne paraisse terne en regard de nos teintures, et cependant,
lorsqu'ils ont passe sur le metier du Tibetztin et qu'ils sont devenus
tissus, ils depasseilt en valeur harmonique toutes nos etotfes. Or cette
qualite reside uniquement dans la connaissance du rapport des tons,
dans leur juste division, en raison de leur influence les uns sur les au-
tres, et surtout dans l'importance relative donnee aux tons rompus. Il
ne s'agit pas en effet, pour obtenir une peinture d'un aspect. eclatant,
de multiplier les couleurs franches et. de les faire crier les unes a cote
des autres, mais de donnerune valeur singuliere aun point par un en-
tourage neutre. Un centimetre carre de bleu turquoise sur une large
ISLIPfiiCG brun mordore acquerra une valeur et. une finesse telles, qu'a
dix pas cette touche paraitra bleue et. transparente. Quintuplez cette
surface, non-seulement elle semblera terne et louche, mais elle fera
paraitre lourd et froid le ton brun chaud qui l'entoure. Il y a donc la
une science, science experimentale, il est vrai, mais que nos decora-
teurs possedaient a merveille pendant le moyen age, ainsi qu'ils l'ont
prouve dans la peinture de leurs monuments, de leurs vignettes de
manuscrits et de leurs vitraux; car ces lois, imperieuses deja dans la
coloration monumentale, sont bien autrement tyranniques encore dans
la coloration translucide de vitraux, ou chaque touche de couleur prend
une si grande importance.
Les procedes employes par les peintres pour (lecorer les interieurs
etaient dejät tres-perfectionnes au XIIIE siecle, ainsi qu'on en peutjuger
en examinant les peintures anciennes de la sainte Chapelle et celles
de certains retables de la meme epoque 1. Alors les vernis et meme la
peinture a l'huile etaient en usage. Au xivf siecle, il parait mente qu'on
faisait un emploi frequent de ce (lernierprocede en France, en Italie et
en Allemagne? M. Emeric David, dans ses Discours historiques sur la pein-
ture moderne 3, demontre d'une maniere evidente que des le x10 siecle les
peintres employaient. les couleurs broyees avec de l'huile de lin pure,
et le devis des peintures executeespar ordre du duc de Normandie
(depuis Charles V) dans le chateau de Vaudreuil, en 1355, par Jehan
Goste, prouve que le procede de la peinture al'huile etait alors connu
R11 France, et pratique non-seulement pour les meubles et menus ou-
Vfflges, mais aussi pourla decoration sur les murs. Ce devis commence
ainsi :
(f Premierement pour la salle assouvir en la maniere que elle est
a commenciee ou mieux; c'est assavoir : parfaire Pystoire de la vie de
' Entre autres, le retable dräposä dans le bas cütä sud du chmur de Füglisc abbatiale
(le Westminster (ouvrage de FEcole frangaisc).
' Voyez Ccnnino Cennini, ddja cit6, et la devis de; 1a peinture faite dans l'ancien chäteau
royal de Vaudreuil, en Normandic, en 1356, publia dans les tomes I" et lIl de la QÄ särie
de la Bibliotlz. de Flfcole des chartes, p. 544 et 334.
' Paris, 1812, in-8.