GOUT
nous avons apporte dans nos arts un goüt delicat, lorsque nous avons
etc laisses a nos propres instincts. Malheureusement, l'architecture
s'est brouillee depuis longtemps, en France, avec le bon sens, et par
suite avec le bon goüt, sous l'influence de doctrines erronees. On a
Feconnu, au xvne siecle, que l'architecture antique etait un art soumis
aun goüt pur, ce qui est incontestable; on s'est mis a faire de l'architec-
ture antique, sans penser que si l'architecture antique est conforme
au goüt, c'est qu'elle est une expression nette, precise, de la civilisa-
tion qui l'a constituee. Mais si par cela meme l'architecture antique se
soumet aux regles du goüt sous les empereurs romains, elle est con-
traire a ces regles sous la societe de Louis XIV, qui ne ressemble pas
absolument a la societe de 'l'ibere ou de Claude. Alors (au xvnt siecle)
on ne faisait pas entrer le raisonnement dans les questions d'art; l'ar-
chitecture etait une affaire de colonnades, de chapiteaux, de frontons
et de corniches, de symctrie, toutes choses qu'on declarait etre de grand
goüt, comme on disait alors, sans definir d'ailleurs ce qu'on entendait
par ce grand goüt, qui n'est, a notre avis, qu'un grand engouement.
Cependant (car c'est une occasion de faire preuve de goüt, et de ne pas
tomber dans Fexageration) il est juste de reconnaitre que ce siecle
(nous parlons de celui de Louis XIV) a su produire en architecture des
(euvres d'une grande valeur, toutes fois qu'elles n'ont pas abandonne
completement notre sens francais. Certes, on ne peut nier que l'Hetel
des Invalides, par exemple, ne soit un chef-düiruvre d'architecture.
Pourquoi? Est-ce parce que nous y trouvons des archivoltes romaines,
des corniches romaines? Non, certainement : c'est parce que cet edifice
presente un plan parfaitement approprie a l'objet; partout de la gran-
deur, sans place perdue, des services faciles, un aspect general exte-
rieur qui indique clairement sa destination. Mais ä qui devons-nous
ces belles dispositions? Est-ce a Fantiquite romaine? Sont-ce les archi-
tectes romains qui nous ont donne, entre autres choses, cette belle
composition de la cour, avec ses quatre escaliers aux angles, autour
desquels tourne le cloitre? Non, c'est 1a le plan d'une cour d'abbaye
francaise, avec son vaste refectoire, avec ses dortoirs, son eglise acces-
sible de tous les points des batiments, ses galeries et ses services jour-
naliers. C'est par ces dispositions appropriees a l'objet que l'Hetel des
Invalides est une (ouvre de goüt, et non parce que l'architecte a seme
sur ses faoades quelques profils romains; au contraire, ces details em-
pruntes a une architecture entierement etrangeifeanotre climat, a nos
usages et a notre genie, ne font que gater le monument, ou le rendre
au moins froid, monotone. Ces toits a pentes rapides (qui sont bien
francais) jurent avec ces corniches antiques, avec ces arcades qui ont
le grand tort de vouloir rappeler quelque portique de theatre ou d'am-
phitheatre romain. En cela le goüt ne saurait etre satisfait, car 1e goüt
demande aussi un rapport, une correlation entre l'ensemble et les de-
tails. Quand Moliere a pris a Plante son sujet dümpltitryotz, bien qu'il