OUVRIER
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dont les traces sont compris par les tailleurs de pierre, l'intelligence
avec laquelle ils sont rendus, indique chez ceux-ci une connaissance de
la geometrie descriptive, des penetrations de plans, que nous avons
grand'peine a trouver de notre temps chez les meilleurs appareilleurs.
L'execution materielle des tailles atteint toujours une grande superioritc
sur celle que nous obtenons en moyenne. Mais si nous allons chercher
des corps de metiers plus releves, comme par exemple les sculpteurs,
les tailleurs (Fymages, il nous faut beaucoup düinnees et des soins infinis
pour former des ouvriers en etat de rivaliser avec ceux du moyen age.
De notre temps, les charpentiers forment le seul corps qui ait conserve
l'esprit des ouvriers du moyen agc. Ils sont organises, ils ont conserve
l'initiative; n'est pas charpentier qnivent. Ils sont solidaires sur un chan-
tier, tres-soumis au savoir du chef quand ils l'ont bien reconnu, mais
parfaitement dedaigneux pour son insuffisance si elle est constatee, ce
qui n'est pas long. Et parmi les ouvriers de batiments les charpentiers
qui ont su maintenir leur ancienne organisation sont en moyenne les
plus intelligents et les plus instruits.
On s'occupe beaucoup des ouvriers depuis quelques annees ; on pense
a assurer leur bien-etre, atrouver des refuges pour leur vieillesse; le
cote materiel de leur existence s'est sensiblement ameliore. Mais pour
ce qui est du batiment, on ne s'est peut-etre pas assez occupe de leur
instruction, de relever la japon. Le systeme de la concurrence, qui
certes presente de grands avantages, a aussi des inconvenients : il tend
a avilir la main-d'oeuvre, a faire employer des hommes incapables de
preference a des hommes habiles, parce que les premiers zicceptent
des conditions de salaire inferieures, ou bien parce qu'ils font en moins
de temps et plus mal, il est vrai, tel travail demande. Ce n'est pas la
un moyen propre a aineliorer la situation morale de l'ouvrier. Les chan-
tiers ouverts sur plusieurs points de la France pour la restauration de
nos anciens edifices du moyen age ont forme des pepinieres d'exem-
tants habiles, parce que, dans ces chantiers, la perfection de la main-
d'eeuvre est une condition inherente au travail. Tout cela est a consi-
derer, mais ce qu'il faudrait, c'est un enseignementpour les ouvriers de
batiment ; le systeme des corporations n'existe plus, il serait necessaire
de le remplacer par un systeme d'enseignement applique. En atten-
dant, les architectes, sur leurs chantiers, peuvent prendre une influence
tries-salutaire sur les ouvriers qu'ils emploient, s'ils veulent se donner
la peine de s'occuper directement du travail qui leur est confie, et s'ils
ne dedaignent pas de leur expliquer eux-memes les moyens les plus
propres a obtenir une execution parfaite.
TOME
SIXIEME.