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qu'on veuille la supposer, ce n'est plus qu'une pretention funeste, dont
chacun tend a s'affranchir; car le gent, le bon gent possede ce privilege
de s'imposer a travers les temps et maigre les pifgjuges, comme tout
ce qui decoule de la verite. Mais a peine, aujourd'hui, si l'on s'entend
sur ce que c'est que le gent. On professe, lorsqu'il s'agit dHu-chiteitture,
"de veritables heresies en matiere de gent; en donne, chaque jour,
comme des modeles de gent, des (nuvres dont il est impossible de
Saisir 1e sens, qui ne se font remarquer que par un desaccord complet
entre le but et l'apparence. On nous dit que cette faeatic est de ben
gent; mais pourquoi? Est-ce parce que toutes ses parties sont syme-
triques, qu'elle est ornee de 0010111105 et de Statues, que de nombreux
ornements sont repandus partout"? Mais cette symetrle extcricure cache
des services fort divers : ici une grande salle, la des cabinets, plus loin
un escalier. Cette fenetre qui eclaire la chambre du maitre est de meme
taille et de meme forme que cette autre qui s'ouvre sur un couloir. Ces
colonnes saillantes accusent-telles des murs de refend, licnngnt-(gllcs
lieu de contre-forts? Mais les murs de refcnd sont places a ente de ces
colonnes et non sur leur axe; les contre-forts sont superflus, puisque
les planchers ne portent moine pas sur ce mur de face. Nous voyons
des niches evidees au milieu de trumeaux la on nous aurions besoin de
trouver un point d'appui. Pourquoi, si nous raillons ces gens qui veu-
lent paraitre autres qu'ils ne sont; si nous meprisons un homme qui
cherche a nous en imposer sur sa qnalite, son rang dans le monde, et
si nous trouvons ses faeons d'etre de tries-mauvais gent, pourquoi
trouvons-nous qu'il y ait du gent a elever une faeade de palais devant
des bureaux de commis, a placer des coionnades devant des murs qui
n'en ontnul besoin, a construire des portiques pour des ppgfngligupg
qui n'existent pas, a cacher des toits derriere des acrotercs comme
une chose inconvenante, a donner a une mairie l'aspect d'une eglise,
ou a un palais de justice l'apparence d'un "Leulple romain? Le gent n'est
pas, comme le pensent quelques-uns, 11116 fantaisie plus ou moins heu-
reuse, le resultat d'un instinct. Personne ne nait homme de gent. Le
gent. au contraire, n'est que l'empreinte laissee par une education bien
dirigee, le couronnement d'un labeur patient, le reflet du nlilien dans
lequel on vit. Savoir, ne voir que de belles choses, s'en nnln-rip, 60m-
parer; arriver, parla comparaison, a choisir; se defier des jugements
tout faits; chercher a discerner le vrai du faux, fuir la Inediecrite,
craindre l'engouement, c'est le moyen de former son gent. Le gent est
comme la considerzition : on ne Yacquiert qu'a la longue, en Sbbser-
vant et en observant, en ne depasszmt jamais la limite du vrai et du
juste, en ne se liant pas au hasard. Gomme l'honneur, le gent ne souffre
aucune tache, aucun ecart, aucune concession banale, ziucun oubli de
ce que l'on doit aux autres et a soi-meule. Le respect pour le public
est, de la part d'un artiste qui produit une oeuvre, la premier-e marque
de gent. Or la sincerite est la meilleure faeon d'exprimer le respect.