MAISON
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faeades tout entieres sont non-seulement elevees en pans de bois, mais
souvent meme entierement boisees comme de grands meubles, sans
qu'il y ait trace apparente de maconnerie. Outre le goüt que les popu-
lations du Nord ont toujours conserve pour les constructions de bois,
outre l'influence qu'exercaient sur ces populations les traditions appor-
tces par les invasions septentrionales, le voisinage des grandes forets,
la structure de bois presentait des avantages qui devaient entrainer
tous les habitants des villes populeuses des provinces franqaises pro-
prement dites a employer cette methode.
Comme nous l'avons dit, dans ces grandes villes du Nord, telles que
Paris, Houen, Beauvais, Amiens, Troyes, Gaen, etc., la place etait rare.
Ces villes, entourees de murailles, ne pouvaient s'etendre comme de
nos jours; on cherchait donc a gagner en hauteur la surface qui man-
quait en plan, et l'on emjiietalit autant que faire se pouvait sur le vide
de la voie publique, au moyen d'otages poses en encorbellement : or,
la construction de bois se pretait seule a ces dispositions imposecs par
la necessite. On pensait alors a bien abriter les parements des faeades
par la saillie des toits, soit que l'on elevät sur la rue un mur goutterot
ou un pignon. Les rues devenant de plus en plus etroites a mesure que
les villes devenaient plus riches et populeuses sans pouvoir reculer leurs
murailles, on agrandissait les fenetres pour prendre le plus de jour pos-
sible. Mais, a ce sujet, nous devons placer ici une observation. De notre
temps, et non sans raison, on aime a eclairer largement les interieilrs
des pieces d'une habitation; il n'en etait pas ainsi pendant le moyen
äge. Les maisons romanes les plus anciennes sont percees de fenetres
relativement etroites et laissent passer peu de lumiere: les habitants
cherchaient Fobscurite dans les interieurs avec autant de soin que nous
cherchons la lumiere; il y avait la encore les restes d'une tradition
antique. Au X1118 siecle, les maisons commencent a prendre des jours
plus larges; on veut au moins une salle bien eclairee. Ce goüt s'etend
a mesure que la vie active, l'industrie et le commerce prennent plus
d'importance parmi les populations urbaines. Tous les etats avaient be-
soin de la lumiere du jour pour se livrer a leurs occupations. La maison
n'etait plus le refuge ferme de la famille, c'etait encore l'atelier; aussi
est-ce dans les villes industrielles que les maisons s'ouvrent largement
sur la rue des la fin du X1119 siecle.
Maigre la mise ajour des facades des maisons des cette epoque, on
116 COIIQOit guere aujourd'hui COmment, dans ces rues etroites, bordees
d'habitations dont les etages surplornbaient, certaines industries pou-
vaient s'exercer; cela ne s'explique que quand on a vu, par exemple,
les ouvriers en soie de Lyon travailler aux tissus les plus delicats dans
des pieces ou a peine on croirait pouvoir lire. La vue s'habitue a l'obs-
curite, et Fexcessive lumiere naturelle ou factice que nous repandons
partout aujourd'hui n'est pas une condition absolue pour travailler 51
des ouvrages d'une grande finesse. Quoi qu'il en soit, de ces ateliers du.