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Si on les met en parallele avec celles que l'on batit aujourd'hui dans
ces memes localites, sont incomparablement mieux construites, mieux
entendues et d'un aspect moins pauvre; qu'elles indiquent un etat
social plus avance, etabli plus solidement, une prosperite moins fugi-
tive, des institutions municipales plus robustes. Il est evident que, eta-
blissant un parallele entre une des maisons de la petite ville de Cordes
et Photel de a Paris, on donnera le champ libre a la raillerie ; mais
comparons une maison ancienne de SEIiHlL-AIIlLOHiII avec une de celles
qu'on batit aujourd'hui dans la meme localite; comparons Thotel de
avec Fhotel de Sens ou l'hotel de Üfremoille, ou l'hotel Saint-Pol,
ou Yhotel de Cluny, ou Ineme la maison de Jacques Coeur, a Bourges,
qui existe encore a peu pres entiere : de quel cote seront les rieurs?
Nous ne voulons point faire ici de la critique sociale, ni meme de la
politique g nous parlons art. Or, c'est une etrange illusion de confondre,
quand il s'agit (fart, Fetal civilise avec le developpement intellectuel.
De ce qu'une societe est parfaitement policee, de ce qu'elle a repandu
des habitudes de co-rzfort dans les dernieres classes de la societe, cela
ne dit point du tout qu'elle developpe son intelligence; cela ne fait pas
surtout que la vie se repande dans tous les rameaux du (rorps social.
Si au xne siecle, si pendant les X1112 et XIVe siE-cles on batissait de grands
edifices, et si les artistes abondaient a Paris, a liouen, a Lyon, a Reims,
ä Ghartres, a Bourges, a d'ours, Toulouse; dans la derniere petite
ville, dans le dernier village de France, on trouvait un art relativement
aussi eleve : en est-il ainsi aujourd'hui? Nous batissons de magnifiques
palais a Paris, a Lyon ou a Marseille ; mais que fait-on dans les chefs-
lieux de canton, dans les villages? De pauvres constructions branlantes,
mal concues, hideuses (l'aspect, bien (pfelles affectent une certaine
apparence de luxe; des maisons incommodes a peine ahritees, cachant
l'ignorance du constructeur ou la mesquinerie du proprietaire sous
des enduits que chaque hiver fait tomber. Dans ces faibles batisses,
non-seulement l'art n'entre plus, mais le bon sens, la raison, semblent
on etre exclus. Un lambeau de vanite puerile apparait seulement sur
la faeade symetrique ou dans des interieurs pauvrement luxueux.
Nous sommes emerveilles de voir dans une petite ville antique comme
Pompei, de mechantes maisons baties de briques revetues d'enduits
presenter cependant des exemples d'un art delicat; mais nous posse-
dions, au moyen age, ce meme privilege de mettre de l'art dans tout.
Les maisons de Pompei ne seraient guere confortables pour nous, gens
du xixe siecle; celles du X1118 siecle en France ne le sont guere plus :
qu'est-ce que cela fait a la question d'art? Les maisons de Pompei
nous charment parce qu'elles sont bien les demeures des habitants de
la Campanie; celles de Gluny ou de Cordes ont les memes qualites.
Mais que seront les notres pour les populations qui les verront dans
six siecles, s'il en reste quelqu'unei? Le confort est aujourd'hui le
maitre, nous Fadmettons; alors soyons consequents.