DONJON
chätelains pretendent avoir des demeures moins fermees et moins
tristes, que le donjon abandonne la forme d'une tour qu'il avait adop-
iee vers la fin du xne siecle, pour revetir celle d'un logis defendu,
mais contenant tout ce qui peut rendre l'habitation facile.
Louis de France, duc d'Orleans, second üls de Charles V, ne en 1371
et assassine ä Paris en novembre 11107, dans la rue Barbette, etait
grand amateur des arts. Ce prince rebatit les chäteaux de Pierrefonds,
de la Ferte-ltlilon, de Villers-Gotterets; fit executer des travaux con-
siderables dans le chateau de Goucy, qu'il avait acquis de la derniere
heritiere des sires de Coucy. Louis d'Orleans fut le premier qui sut
allier les dispositions defensives adoptees a la fin du XIVe siecle, dans
les demeures feodales, aux agrements d'une habitation seigneuriale.
Les chateaux qu'il nous a laisses, et dont nous trouvons le specimen
le plus complet a Pierrefonds, sont non-seulement de magnifiques
demeures qui seraient encore tres-habitables de nos jours, mais des
places fortes du premier ordre, que l'artillerie deja perfectionnee du
xvue siecle put seule reduire.
Il est etrange que l'influence des princes de la branche cadette issue
de Charles V, sur les arts en France, n'ait pas encore ete constatee
comme elle merite de l'etre. Les monuments laisses par Louis (l'Or-
lezins et par son fils Charles sont en avance de pres d'un demi-siecle
sur le mouvement des arts dans notre pays. Le chäteau de Pierrefonds,
commence en 1100 et termine avant la mort de son fondateur, est en-
core une place forte du x1v' siecle, mais decoree avec le goüt delicat
des habitations du temps de Charles VII.
Le donjon de ce chateau contient les logis du seigneur, non plus
renfermes dans une tour cylindrique ou carree, mais distribues de ma-
niere a presenter une demeure vaste, commode, pourvue des acces-
soires exiges par une existence elegante et recherchee, en meme
temps qu'elle est une defense puissante parfaitement entendue, impos-
sible a attaquer autrement que par des batteries de siege; or, au com-
mencement du xve siecle, on ne savait pas encore ce que cfetait que
l'artillerie de siege. Les bouches a feu etaient de petite dimension,
porte-es en campagne sur des chevaux ou des chariots, et netaient
guere employees que contre la formidable gendarmerie de Pepoque.
Examinons les dispositions du donjon de Pierrefonds, que nous avons
deja donne dans le plan d'ensemble de ce chäteau (voyez CHATEAU,
fig. 24).
Le donjon de Pierrefonds (fig. 41) est voisin de Fentree principale A
(lu chat-eau, et flanque cette entree de facon a en interdire complete-
ment l'approche. Il possede, en outre, une poterne B, tres-relevee
äll-dessus du sol exterieur. Aussi remplit-il les conditions ordinaireS,
qui voulaient que tout donjon eüt deux issues, l'une apparente, l'autre
derobee. La porte A du chäteau, defendue par un pont-levis, des Vain"
taux, un corps de garde a, une herse et une seconde porte barree,
avait, comme annexe obligea a cette epoque, une poterne pour 168