FLORE
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VOtPB plus grande Crainte. Bien. Est-ce pour cela que vous repous-
sez le seul art qui permet-le d'aller en avant, a cause de la largeur et
de la liberalitte de ses principes Et pour ne parler que de Fornemen-
tation sculptee, pensez-vous ouvrir des voies nouvelles en copiant
une fleur ciselee par les liltrusfjutes, ou en reproduisant pauvrement
quelque beau chapiteau du temps d'Auguste, ou en imitant la sculp-
ture ctiolee de la fin du dernier siccle"? Pendant que vous disputez
s'il est plus conforme au gout immuable de copier les Romains ou
les lourdes fantaisies du siecle de Louis XIV, les champs continuent
a se couvrir, chaque printemps, de leur charmante parure, les arbres
bourgeonnent toujours, les fleurs ne cessent declore; que n'allez-
vous donc puiser a cet ecrin inepuisable? C'est parce que nous vou-
lions fonder une methode d'art toujours jeune, toujours vivante, que
nous allionsypuiser nous-memes. Les viegctaux sont-ils moins varies,
ont-ils moins de gräce et de souplesse que de notre temps? v
Que pourrions-nous repondre a ces artistes. qui parlent dans leurs
oeuvres, nos devanciers de six siecles, mais plus jeunes que nous et
surtout plus amis du progres?
Ce qu'on ne saurait trop etudier dans les applications que ces ar-
tistes ont faites de la flore a Pornementation sculptee, c'est l'exacte
observation des caracteres principaux de la forme. Les details, ils les
negligent ou les suppriment; mais ce qu'ils expriment avec l'attention
d'amants passionnes de la nature, ce sont les grandes lignes, celles
qui caracterisent chaque vegetzil, comme, par exemple, les angles for-
mes par les faisceaux fibreux des feuilles, le port des petioles, les
belles lignes donnees par le bord de ces feuilles, le caractere de leurs
echancrures, les profils saillants du modele, le renflement energique
des coussinets. Analysons, car, sur ce sujet. qui nous parait important,
il ne faut laisser aucune incertitude dans l'esprit de nos lecteurs. Les
feuilles, par exemple, ne sont flexibles que dans un sens, elles peuvent
se recourber dans le sens de leur plat; mais, a cause du tissu fibreux
qui forme un etresillonnement entre leurs cotes, elles ne peuvent se
contourner dans le sens de leur champ. Ainsi (fig. 33) une feuille d'Era-
ble A peut etre tortillee comme l'indique le trace B, mais ne saurait
donner le trace G sans delruire ou chiffonne? son tissu et alterer sa
forme. Cependant nous voyons que, depuis la renaissance, ou Petude
de ces productions naturelles a ete remplacee par des imitatiOHS de la
sculpture antique de plus en plus corrompues, nos sculpteurs d'orne-
ments ont enfreint cette loi principale. Son observation, au contraire,
laisse a la sculpture monumentale une fermete, une vie necessaires.
Les artistes gothiques ont-ils une frise ou une guirlande de feuilles a
faire : en placant les feuilles dans tous les sens, suivant les besoins de
Pornementation, ils ont le soin de conserver a chaque feuille l'immo-
bilite qu'elle doit necessairement garder dans le sens du champ. Pour
obtenir de la variete dans le modelc, ils presentent quelquefois ces
feuilles tantot du cote du clos, tantot du cote du plat, ainsi que le fait