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FLORE
reproduisent avec soin ces contours si beaux, parce qu'ils expriment
toujours une fonction, ou se soumettent aux necessites de l'orga-
nisme; ils trouvent dans les vegetaux les qualitcs qu'ils cherchent
a faire ressortir dans la structure de leurs edifices, quelque chose de
vrai, de pratique, de raisonne: aussi y a-t-il harmonie parfaite entre
cette structure etfornementation. Jamais celle-ci n'est un placage, une
superfetation. Ilornementation de l'architecture gothique de la belle
epoque est comme une vegetation naturelle de la structure; c'est pour
cela qu'on ne fait rien qui puisse satisfaire le goüt, lorsqu'en adoptant
le mode de construire de ces architectes raisonneurs, on veut y appli-
quer une ornementation prise ailleurs ou de fantaisie. La construction
gothique est (nous l'avons demontre ailleurs) la consequencc d'un sys-
teme raisonne, logique; les profils sont traces en raison de l'objet; de
memc aussi Forneinentation a ses lois comme les produits naturels
qui lui servent. de types. Ces artistes vontjusqu'a admettre la variete
qu'on remarque dans les feuilles ou fleurs d'un meme vegetal g ils ont
observe comment procede la nature, et ils procedent comme elle. Pour-
quoi ct sous quelles influences avons-nous perdu ces charmantes
facultes, inherentes a notre pays? Pourquoi avons-nous abandonne ces
methodes d'art sorties de notre esprit gaulois? Pourquoi, au lieu d'aller
recourir aux sources vraies, aux modeles que nous fournit notre intelli-
gence, notre faculte de comprendre la nature, avons-nous ete chercher
des arts etrzrngers, ahatardis, pour les copier sans les comprendre, puis
recopier ces copies? Nous nous garderons de le dire ici, parce que ce
sujet nous entraineraiit trop loin (voy. GoUT, STYLE). Constatons simple-
ment que ce qu'on appelle vulgairement les fantaisies de Par! gothique
sont, dans la structure comme pour l'ornementation, des deductions
rires-logiques et tres-delicates d'un systeme complet, d'un corps de doc-
trine etabli sur une suite d'observations vraies, profondes etjustes.
Unc preuve que le principe d'ornementation admis par la grande
ecole laique d'architecture est fertile, c'est que chaque province en
fait une application (liiferente en raison de son caractere propre. Dans
lllc-de-France, l'imitation servile des vegetaux ne se fait sentir qu'assez
tard, vers la seconde moitie du X111" siecle ; pendant longtemps l'inter-
pretation de la nature, le style, persistent dans les grands ornements,
l'imitation materielle etant permise seulement dans quelques details
trop peu importants pour influer sur les lignes de l'architecture. En
Champagne, l'imitation materielle parait plus tot; elle incline rapide-
ment vers la sechercsse et la maniere. En Bourgogne, l'imitation se
fait sentir des que le gothique apparait; mais elle conserve longtemps
un tel caractere de grandeur, de puissance, elle est si vivante, qu'elle
etoutfe, pour ainsi dire, ses modeles sous sa plantureuse apparence-
La flore architectonique de la Bourgogne possede, jusqtfä 121 fIH d'1
xnlt siecle, un earacterc large, energique, qui ne tombe jamais dflHS
la maniere; elle est toujours monumentale, bien qu'elle reproduise
souvent les vegelaux avec une scrupuleuse exactitude. Ce n'est pas en