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Ce serait sortir de notre sujet d'expliquer comment, a la iin du xne sie-
cle, il se forma une puissante ecole laique de constructeurs ; comment
cette ecole, protegee par Fepiscopat, qui voulait amoindrir l'importance
(les ordres religieux, possedant les sympathies du peuplcdont elle sor-
tait et dont elle refletait l'esprit de recherche et de progres, admise par
la feodalite seculiere, qui ne trouvait pas chez les moines tous les ele-
inents dont elle avait besoin pour bätir ses demeures ; comment cette
ccole, disons-nous, profitant de ces circonstances favorables, se con-
stitua fortement et acquit, par cela meme, une grande independancc.
ll nous suffira d'indiquer cet etat de choses, nouveau dans l'histoire
des arts, pour en faire apprecier les consequences.
Nous avons vu precedemment ou les constructeurs en etaient arrives
vers 1160 ; comment ils avaient ete amenes a modifier successivement
la voüte romane, qui n'etait qu'une tradition abatardie de la voüte
romaine, et a inventer la voüte dite en arcs cfogive. Ce grand pas fran-
chi, il restait cependant beaucoup a faire encore. Le premier resultat
de cette innovation fut d'obliger les constructeurs a composer leurs
edifices en commencent par les voütes, et, par consequent, de ne plus
rien livi er au hasard, ainsi qu'il n'etait arrive que trop souvent a leurs
predecesseurs. Cette methode, etrange en apparence, et qui consiste
a faire deriver les plans par terre de la structure projetee des voütes,
est eminemment rationnelle. Que veut-on lorsque l'on construit un
edifice voüte? Couvrir une surface. Quel est le but qu'on se propose
(l'atteindre ? lfltablir des voütes sur des points d'appui. Quel est l'objet
principal? La voüte. Les points d'appui ne sont que des moyens. Les
constructeurs romains avaient deja ete amenes a faire deriver le plan
de leurs edifices voütes de la forme et de Fetendue de ces voütes
inemes; mais ce principe ifetait qu'un principe general, et de l'exa-
men d'un plan romain du Bas-Empire on ne saurait toujours conclure
que telle partie etait voütee en berceau, en arete ou en portion de
sphcre, chacune de ces voütes pouvant dans bien des cas, etre inditilä-
remment posee sur ces plans.
Il n'en est plus ainsi aux xnt siecle : non-seulement le plan horizon-
tal indique le nombre et la forme des voütes, mais encore leurs divers
membres, arcs-doubleaux, formerets, arcs ogives ; et ces membres
commandent a leur tour la disposition des points d'appui verticaux,
leur hauteur relative, leur diametre. D'oi1 l'on doit conclure que,
pour tracer definitivement un plan par terre et proceder a Fexecution,
il fallait, avant tout, faire Fepure des voütes, de leurs rabattcments,
de leurs sommiers, connaitre exactement la dimension etla forme des
(zlaveziux de divers arcs. Les premiers constructeurs gothiques se fami-
liariserent si promptement avec cette methode de prendre toute con-
struction par le haut, pour arriver successivement a tracer ses bases,
qu'ils Fadopterent meme dans des edifices non voütes, mais portant
planchers ou charpentes ; ils ne s'en trouverent pas plus mal, ainsi que
nous lc verrons plus loin.