PRINCIPES
CONSTRUCTION
l'ombre, qu'il est de son essence meme de rechercher le silence et
Fobscurite ; contre ceux, en si grand nombre, quijugent sur la foi des
arrets rendus par la passion ou Finteret, et non d'apres leur propre
examen.
Il faut le dire cependant, aujourd'hui il n'est plus permis de tran-
cher des questions d'histoire, que ces questions touchent aux arts, a
la politique ou aux lettres, par de simples affirmations ou denegations.
Et les esprits retrogrades sont ceux qui veulent juger ces questions en
s'appuyant sur les vieilles methodes ou sur leur passion. Il n'est pas un
artiste sense qui ose soutenir que nous devions construire nos editices
et nos maisons comme on le faisait au xnc ou au xint siecle; mais il
n'est pas un esprit juste qui ne soit en etat de comprendre que l'expe-
rience acquise par les inaitres de ce temps ne puisse nous etre utile,
d'autant mieux que ces maitres ont innove. Uobstacle le plus difficile
a franchir pour nous, l'obstacle reel, l'obstacle vivant, c'est, il faut
l'avouer, c'est la paresse d'esprit: chacun veut savoir sans s'etre donne
la peine d'apprendre, chacun pretend juger sans connaitre les pieces
du proces; et les principes les plus vrais, les mieux ecrits, les plus utiles,
seront ranges parmi les vieilleries hors d'usage, parce qu'un homme
d'esprit les aura tournes en derision, et que la foule qui Pecoutc est
trop heureuse d'applaudira une critique qui lui epargne la peine d'ap-
prendre. Triste gloire, apres tout, que celle qui consiste a prolonger
la duree de Fohscurite ; elle ne saurait profiter a qui Pacquiert dans
un siecle qui se vante d'apporter la lumiere sur toute chose, dont l'ac-
tivite est si grande, que, ne pouvant trouver dans le present une pature
suffisante a ses besoins intellectuels, il veut encore derouler le passe
devant lui.
Si nolre architecture francaise de la renaissance est, aux yeux des
personnes qui l'ont eludiee avec soin et ont apporte dans cette etude
une critique eclairee, superieure a l'architecture italienne des xve et
XVIe siecles, cela ne vient-il pas de ce que nos ecoles gothiques, mal-
gre les abus des derniers temps, avaient forme, de longue main, des
praticiens habiles et des executants intelligents, sachant soumettre la
forme a la raison ; de ce que ces ecoles etaient particulierement pro-
pres a delier l'esprit des architectes et des ouvriers, a les familiariser
avec les nombreuses difticultes qui entourent le constructeur? Nous
savons que ce langage ne saurait etre compris de ceux qui jugent les
ditferentes formes de notre art d'apres leur sentiment ou leurs prejuges:
aussi n'est-ce pas a ces personnes que nous nous adressons, mais aux
architectes, a ceux qui se sont. longuement familiarises avec les res-
sources et les (iifficultes que presente la pratique de notre art. Certes,
pour les artistes, Fetutle d'un art ou tout est prevu, tout est calcule,
qui 11150116 11161116 par un exces de recherches et de moyens pratiques,
dans lequel la niatiere est a la fois maitresse de la forme et soumise
au principe, ne peut manquer de developper l'esprit et de le preparer
aux innovations que notre temps reclame.