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mine que par l'emploi de moyens evidemment etrnngers a sa concep-
tion premiere. On voit que les constructeurs romans primitifs batis-
saient au jour le jour, s'en rapportant a l'inspiration, au hasard, aux
circonstances, comptant meme peut-etre sur un miracle pour parfaire
leur oeuvre. Les legentles zittachees a la construction des grands edi-
tices (si les monuments ifetaient pas la pour nous montrer l'embar-
ras des architectes) sont pleines de songes pendant lesquels ces archi-
tectes voient quelque ange ou quelque saint prenant la peine de leur
montrer comment ils tloivent leurs voütes ou maintenir leurs
piliers : ce qui nempecliait pas toujours cesmonunients de secrouler
peu apres leur zicliexfeineiit, car la foi ne suffit pas pour bätir.
Sans etre moins croyants peut-etre, les architectes de la fin du
xne siecle, laiques pour la plupart, sinon tous, peniserent qu'il est pru-
dent, en matiere de construction, de ne pas attendre l'intervention
d'un ange ou d'un saint pour elever un editicc. Aussi (fait curieux et
qui merite däätre signale) les chroniques des monasteres, les legenrles,
les histoires, si prodigues de louanges a l'endroit des monuments
eleves pendant la periode romane, qui setendent si complaisammenl
sur la beaute de leur structure, sur leur grandeur et leur decoration,
bien que beaucoup de ces monuments ne soient que de mechantes
ÜäÜSSGS de moellon mal concues et plus mal executees, se taisent
brusquement a la fin du xne siecle, lorsque l'architecture "passe des
cloitres dans les mains des laiques. Par hasard, un mot de Fedificff,
une phrase seche, laconique; sur les maitres de l'oeuvre, rien.
Est-il croyable, par exemple, que, dans le volumineux cartulaire de
Feglise de Notre-Dame de Paris, qui comprend des pieccs dont la date
remonte au xut siecle, il ne soit pas dit un seul mot de la construction
de la cathedrale actuelle? Laborieux et intelligents artistes, sortis du
peuple, qui, les premiers, avez su vous affranchir de traditions usees ;
qui etes entres franchement dans la science pratique ; qui avez forme
cette armee d'ouvriers habiles se repandant bientot sur toute la sur-
face du continent occidental : qui avez ouvert la voie au progres, aux
innovations hardies ; qui entin appartenez, a tant de titres, a la civili-
sation moderne ; qui possedez les premiers son esprit de recherche,
son besoin de savoir: si vos contemporains ont laisse oublier vos
noms; si", meconnaissant des efforts dont ils profitent, ceux qui pre-
lendent diriger les arts de notre temps essayent de denigrer vos
(ouvres, que du moins, parmi tant d'injustices passees et presentes,
notre voix seleve pour revendiquer la place qui vous appartient et
que votre modestie vous a fait perdre. Si, moins preoccupes de vos
travaux, vous eussiez, comme vos confreres d'Italie, fait valoir votre
science, vante votre propre genie, nous ne serions pas aujourd'hui
forces de fouiller dans vos oeuvres pour remettre en lumiere la pro-
fonde experience que vous aviez acquise, vos moyens pratiques si
judicieusement calcules, et surtout de vous defendre contre ceux qui
sont incapables de comprendre que le genie peut se developper dans