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par toute l'Europe occidentale. Il n'y a de construction gothique, a cette
epoquc, qu'en France, et sur une petite partie de son territoire actuel,
n'en deplaise a ceux qui n'admettent pas qu'on ait invente quelque
chose chez nous avant le xvit siecle.
Il en est de l'arc brise comme de toutes les inventions de ce monde,
qui sont a l'etat latent bien avant de recevoir leur application vraie. La
poudre a canon etait inventee au XIIle siecle ; on ne l'emploie reelle-
ment qu'au xve, parce que le moment est venu ou cet agent de des-
truction trouve son application necessaire. Il en est de meme de l'im-
primerie: de tout temps on a fabrique des estampilles; mais l'idee de
reunir des lettres de bois ou de metal et d'imprimer des livres ne vient
que lorsque beaucoup de gens savent lire, que les connaissances et
l'instruction se repandent dans toutes les classes et ne sont plus le
[irivilege de quelques clercs enfermes dans leur couvent. Leonard de
Vinci, et peut-etre d'autres avant lui, ont prevu que la vapeur devien-
drait une force motrice facile a employer; on n'a cependant fait des
machines avapeur que de notre temps, parce que le moment etait
venu on cet agent, par sa puissance, etait seul capable de suffire aux
besoins de notre industrie et a notre activite. Il est donc pueril de nous
dire que l'arc brise etant de tous les temps, les constructeurs du
xnt siecle n'ont pas a revendiquer son invention. Certes ils ne l'ont
pas invente, mais ils s'en sont servis en raison de ses qualites, des
ressources qu'il presente dans la construction ; et, nous le repelons,
c'est seulement en France, dest-a-dire dans le domaine royal et quel-
ques provinces environnantes, qu'ils ont su Fappliqueralart de batir,
non comme une forme que l'on choisit par caprice, mais comme un
moyen de faire prevaloir un principe dont nous allons chercher a faire
connaitre les consequences serieuses et utiles.
Si, en adoptant l'arc plein cintre pour les diagonales des voütes, les
constructeurs de la {in du xne siecle eussent voulu l'appliquer aux arcs-
douhleaux et aux formerets, ils auraient d'abord fait un pas en arriere,
puisqueleurs devanciers avaientadople l'arc brise, a la suite de facheu-
ses experiences, comme poussant moins que l'arc plein cintre; puis ils
se fussent trouves fort embarrasses de fermer leurs voütes. En effet, les
clefs des arcs-douhleaux et des arcs formerets traces sur un flemi-cercle
se seraient trouvees tellement au-dessous du niveau des clefs des arcs
ogives, qu'il eüt ete difficile de fermer les remplissages de moellons, et
que, les eut-on fermes, l'aspect de ces voiites eut ete tres-desagreable,
leurpoussee considerable, puisqu'elle aurait ete composee d'abord des
arcs-doubleaux plein cintre et de la charge enorme que les remplissages
de moellonsy eussent ajoutee. Au contraire, l'avantage de l'arc en tiers-
point adoptepour les arcs-doubleaux, dans les voütes en arcs d'ogive, est
non-seulement de pousser tres-peu par lui-meme, mais encore de sup-
primer une grande partie de la charge des remplissages de moellons, ou
plutot de rendre cette charge presque verticale. En effet, soit (fig. 23) le
plan d'une voüte en arcs d'ogive; si les arcs AD, CB, sont des pleins gin-