[ PRINCIPES ] 21 L CONSTRUCTION f]
Dans les constructions elevees chez tous les peuples constructeurs,
les deductions logiques se suivent avec une rigueur fatale. Un pas fait
en avan t. ne peut jamais etre le dernier; il faut toujours marcher : du mo-
ment qu'un principe est le resultat du raisonnement, il en devient bien-
tot l'esclave. Tel est l'esprit des peuples occidentaux: il perce des que
la societe du moyen age commence a se sentir et a s'organiser; il ne
saurait s'arreter, car le premier qui etablit un principe sur un PEIlSOÜIIO-
ment ne peut dire a la raison: u Tu n'iras pas plus loin. a Les construc-
teurs, a l'ombre des cloitres, reconnaissent ce principe des le xrt siecle.
Cent ans apres ils n'en etaient plus les maitres. Eveques, moines, sei-
gneurs, bourgeois, Feussent-ils voulu, n'auraient pu empecher l'archi-
tecture romane de produire l'architecture dite gothique: celle-ci netait
que la consequence fatale de la premiere. Ceux qui veulent voir dans
l'architecture gothique (toute laique) autre chose que leniancipation
d'un peuple d'artistes et (Partisans auxquels on a appris a raisonner,
qui raisonnent mieux que leurs maitres et les entrainent malgre eux
bien loin du but que tout (l'abord ils voulaient atteindre avec les forces
qu'on a mises entre leurs mains; ceux qui croient que l'architecture,
gothique est une exception, une bizarrerie de l'esprit humain, n'en ont
certes pas etudie le principe, qui n'est autre que l'application rigou-
reusement suivie du systeme inaugure par les constructeurs romans.
Il nous sera aise de le demontrer. Poursuivons.
Nous voyons deja, a la fin du x12 siecle, le principe de la voüte d'arete
romaine mis de coteä Les arcs-doubleaux sont admis detinit.ivementv
comme une force vive, clastique, libre, une ossature surlaquelle repose
la voüte proprement dite. Si les constructeurs admettaient que ces cin-
tres permanents fussent utiles transversalement, ils devaient admettre
de meme leur utilite longitudinalement. Ne considerant plus les voütes
comme une croüte homogene, concrete, mais comme une suite de
panneaux a surfaces courbes, libres, reposant sur des arcs flexibles, la
rigidite des murs lateraux contrastait avec le nouveau systeme; il fal-
lait que ces panneaux fussent libres dans tous les sens, autrement les
brisures, les dechirements eussent ete d'autant plus (langereux, que
ces voütes eussent ete portecs sur des arcs tlexibles dans un sens et
sur des murs rigides dans l'autre. Ils banderent des formerets d'une
pile a l'autre, sur les murs, dans le sens longitudinal. (les formerets ne
sont que des demi-arcs-doubleaux noyes en partie dans le mur, mais
ne dependant pas de sa construction. Par ce moyen, les voutes repo-
saient uniquement sur les piles, et les murs ne devenaient que des
clotures, qu'a la rigueur on pouvait batir apres coup ou supprimer. ll
fallait une assiette a ces formerets, un point d'appui particulier; les
constructeurs romans ajouterent donc, a cet etfehun nouveau membre
1 0'651- Llä-DS 1-1 nef de Fäglise de Vüzelay qu'il faut constater l'abandon du Syslblflc
romain. Lai les voütes hautes, (Paräte, sur plan barlong, sont däjä des pänätrations d'emp-
soldes, avec arcs-doubleaux saillants et formerets.