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ce principe, ils font un des motifs les plus ordinaires de la decora-
tion des Qeditices, et, en effet, il se prete aux combinaisons les plus
brillantes et les plus hardies.
Certes, il y a dans l'exemple de construction que nous venons de don-
ner a nos lecteurs de graves defauts, et nous ne les dissimulons pas.
(Jet echafaudage exterieur de pierre, qui fait toute la force de la batissc,
est soumis aux intemperies de Patmosphere :il semble que le con-
structeur, au lieu de chercher a proteger les organes essentiels de son
monument, ait pris plaisir a les exposer a toutes les chances de destruc-
tion. Son sjfsteme dequilibre depend de la resistance absolue de mate-
riaux trop souvent imparfaits. Il veut evidemment etonner, et il sacrifie
tout a ce desir. Mais, a cote de ces defauts si graves, quelle connais-
sance approfondie des lois de Pequilibre! quel assujettissement de lama-
tiere a l'idee! quelle lheorie fertile en applications! N'imitons jamais
ces constructions subtiles, mais profitons hardiment de tant de connais-
sances acquises. Pour en profiter, faut-il au moins les cultiver et les
pratiquer '2-
A l'article GuAiNAGE, nous avons indique quels etaient, pendant le
moyen äge, les procedes employes pour chainer les editices. Aux lon-
grines de bois usitees pendant Fepoque romane, les constructeurs du
X1116 siecle, s'apercevant que celles-ci etaient promptement pourries,
substituerent des crampons de fer reliant les pierres composant les
assises. Toutefois cette methode ne fut guere employee que dans l'Ile-
de-France avec une singuliere exageration. Il est tel monument, comme
1a sainte Chapelle du Palais aParis, ou toutes les assises, de la base au
faite, sont cramponnees. A Notre-Dame de Paris meme, on s'apercoit
que toutes les constructions elevees ou reprises a partir des premieres
annees du XIIIÜ siecle sont, a des hauteurs assez rapprochees, reliees
par des crampons coules en plomb. Certainement ces constructeurs
n'avaient pas une entiere confiance en leurs methodes si ingenieuses,
et leur bon sens naturel leur faisait sentir deja qu'ils poussaient la har-
diesse trop loin. La facon dont sont disposes ces chainages fait bien voir
d'ailleurs que ce qu'ils redoutaientle plus, c'etait le bouclement ou la
torsion des piles et des murs, et, en cela, le systeme de chandelles de
pierre adopte par les architectes bourguignons avait une superiorite
marquee sur l'emploi dangereux des crampons de fer scelles en pleines
pierres. Il faut dire aussi que les constructeurs de l'Ile-de-France se
procuraient difficilement des pierres longues, resistantes, pouvant etre
impunement posees en delit, tandis qu'elles etaient communes en
Bourgogne et d'une excellente qualite.
Il est temps maintenant d'entretenir nos lecteurs d'un edilice qui,
a lui seul, resume, en les exagerant avec une grande adresse, toutes les
theories des constructeurs de Pecole gothique. Nous voulons parler de
Peglise Saint-Urbain de Troyes. En 1261, Jacques Pantaleon, natif de
Troyes, fut elu pape sous le nom d'Urbain IV, a Viterbe; il mourut
en 1264. Pendant son pontificat, il voulut faire elever a Troyes une eglise