L DEYILLOPIÄX-IBIENTS j 163 [ CONSTRUCTION ]
plus serieux desordres. Il est aise de raisonner theoriquement sur ces
enormes pesanteurs reparties inegalement; mais dans la pratique, faute
{de precautions de detail, et en abandonnant Fexecution aux methodes
de la routine, nous en sommes reduits, le plus souvent, a reconnaitre
notre impuissance, a accuser l'art que nous professons, le sol sur le-
quel nous batissons, les materiaux, les entrepreneurs, tout et tout le
monde, sauf la parfaite ignorance dans laquelle on veut nous laisser,
sous pretexte de conserver les traditions classiques. Nous admettons
volontiers que l'architecture des Romains soit superieure a l'architec-
ture gothique, cela d'autant plus volontiers, que, pour nous, l'architec-
ture des Grecs, des Romains et des Occidentaux du moyen tige est
bonne, du moment qu'elle reste fidele aux principes admis par chacune
de ces trois civilisations; nous ne disputerons pas sur une affaire de
goüt. Mais si nous voulons elever des monuments a l'instar de ceux de
Rome antique, il nous faut les batir comme batissaient les Romains :
ayons de la place, des esclaves, une volonte puissante; soyons les mai-
tres du monde, zillons requerir des hommes et prendre des materiaux
ou bon nous semblera... Louis XIVa pris le rote du Romain construc-
teur au serieux,jusqu'ä1preteildre parfois hatir comme un Romain. Il a
commence lliqueduc de Maintenon en veritzible empereur de l'antique
cite; il a commence sans pouvoir achever. L'argent, les bras, et, plus
que tout cela, la raison imperieuse, ont manque. Dans nos grands tra-
vaux des voies ferrees, nous nous rapprochons aussi des Romains, et
c'est ce que nous avons de mieux a faire; mais pour nos constructions
urbaines, les monuments ou les habitations de nos cites, lorsque nous
pretendons les singer, nous ne sommes que ridicules, et nous ferions
plus sagement, il nous semble, de profiter des eleirlents employes chez
nous avec raison et succes par des generations d'artistes ayant admis
des principes qui s'accordent avec nos besoins, nos moyens, nos mate-
riaux et le genie moderne.
Deja nous en avons dit assez sur la construction du moyen äge pour
faire comprendre en quoi son principe ditfere completement du prin-
cipe de la construction romaine; comment les procedes qui convien-
nent a l'un ne peuvent convenira l'autre, comment les deux methodes
sont la consequence de civilisations, d'idees et de systemes opposes.
Ayant admis le principe de Pequilibre, des forces agissantes et oppo-
sees les unes aux autres pour arriver a la stabilite, les constructeurs
du moyen äge devaient, par suite du penchant naturel a l'homme vers
l'abus en toute chose, arriver a exagereif, dans l'application successive
de ces principes, ce qu'ils pouvaient avoir de bon, de raisonnable et
dingenieux. Cependant, nous le repetons, l'abus se fait moins sentir
dans les provinces du (lomaine royal, et particulierement dans 1119418-
France, que dans les autres contrees ou le systeme de la construction
gothique avait penetre.
Ce qu'il est facile de reconnaitre, c'est que, deja au milieu du xme
siecle, les constructeurs se faisaient un jeu de ces questions d'equi-