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debout, en delit, si ces points d'appui etaient greles. A Fegard de ces
pierres posees en delit, on reconnait toute la finesse d'observation
des constructeurs. Ils nignoraient pas que les pierres posees en delil
sont sujettes a se deliter; aussi les choisissaient-ils avec un soin par-
ticulier dans les bancs bas, tres-homogenes et tres-coinpactes, dans
le cliquart a Paris, dans les pierres dures de Tonnerre 1, en basse Bour-
gogne et en Champagne", dans ces petits bancs de la haute Bourgogne.
durs comme le gres et sans delits 2. Uexperience leur avait demontre
que certaines pierres dures, fines de grain, comme le cliquart et le
petit banc dur de Tonnerre, par exemple, se composent de lames cal-
caires tres-minces, superposees et reunies par une pate solide; que
ces pierres, par leur contexture meme, ont, posees debout, ä contre-N
pour ainsi dire, une force extraordinaire ; qu'elles resistent a des pres-
siens enormes, et que, fortement serrees sous une charge puissante,
elles se delitent moins facilement que si elles etaient sur leur lit ; car rv
qui fait deliter ces pierres, c'est Fhumidite qu'elles renferment entre
"leurs couches minces et qui gonflent leurs lamelles marneuses: or,
posees a plat, elles sont plus aptes a conserver cette humidite que po-
sees de champ. Dans ce dernier cas, l'eau glisse le long de leurs parois,
et ne penetre pas les couches superposees. Gomme preuve de ce que
nous avancons, nous pourrions citer nombre de cheneaux, de larmiers,
de corniches, de dalles de liais ou cliquart, dans de tres-anciens edi-
fices, poses sur leur lit, et qu'on trouve frequemment delites ; tandis
que les memes materiaux, dans les memes monuments, poses debout,
en delit, se sont parfaitement conserves et ne se sont fendus que par
suite d'accidents, tels que l'oxydation de crampons ou goujons, ou
quelque defaut. Nous ne devons pas omettre ici un fait important dans
les constructions du moyen fige, c'est que les lits sont tailles avec la
meme" perfection que les parements vus, et que les pierres sont tou-
jours posees a bain de mortier et non fichees ou coulees, ce qui est pis.
Au surplus, et pour terminer cette digression a propos des materiaux
propres a bätir, nous ajouterons que les constructeurs de la premiere
periode gothique ont soumis leur systeme de construction aux mate-
riaux dont ils disposaient, et par consequent les formes de leur archi-
tectureUn architecte bourguignon, au xne siecle, ne batissait pas äDijon
comme a Tonnerre; si l'on retrouve, dans une mcme province, l'in-
tluence d'une meme ecole, dans Pexecution des maconneries on remar-
que des ditferences considerables resultant de la nature de la pierre
employee. Mais, comme dans chaqueprovince il est-une qualite de ma-
teriaux dominante, les architectes adoptent une methode de hatir con-
forme a la nature de ces materiaux. La Bourgogne, si riche en pierres
1 Ces bancs bas durs de Tonnerre ne sont plus exploites, bien que leurs qualitäs soient
excellentes; on les appelait pierres des bois.
3 Pierres de la Manse, de Dornecy, de Ravieres, de Coutarnoux dur, d'Anstrude, de
Tlzisy, de Pouillcnay.