l MATEHIAUX ] 127 [ CONSTRUCTION
lite inerte. Tout edifice, a la fin du X118 siecle, se compose d'une ossa-
ture rendue solide par la combinaison de resisfances obliques ou de
pesanteurs verticales opposees aux poussees, et d'une enveloppe, d'une
chemise qui revet cette ossature. Tout edifice possede son squelette et
ses membrures; il n'est plus qu'une charpente de pierre independante
du vetement qui la couvre. Ce squelette est rigide ou flexible, suivant
le besoin et la place; il cede ou resiste; il semble posseder une vie, (far
il obeit a des forces contraires, et son immobilile n'est obtenue qu'au
moyen de Fequilibre de ces forces, non point passives, mais zagissantes.
Deja nous avons pu 8pp1'(5(3i8l' les proprietiis de ce systeme dans la des-
cription que nous avons donnee des constructions du choeur de llegliscä
Notre-Dame de ÜlIÄIOHS-SUF-MEIPIIG (fig. 41, 42 et 43); mais combien
cette construction parait grossiere et cherchee a la fois, mesquine et
Compliquee, si nous la comparons aux belles constructions bourgui-
gnonnes de la premiere moitie du X1119 siecle. La tout est clair, franc,
facile a comprendre. Et quelle hardiesse savante t hardiesse de gens qui
sont certains de ne point faillir, parce qu'ils ont tout prevu, qu'ils n'ont
rien laisse au hasard, et connaissent les limites que le bon sens interdit
de franchir.
Nous avons atteint la periode de la construction au moyen fige pen-
dant laquelle la nature des materiaux eniployes va jouer un role impor-
tant. Nous ne saurions passer sous silence des observations qui doivent
etre comme l'introduction aux methodes de batir des architectes go-
thiques. On avait construit une si grande quantile dedifices publics et
PPives pendant le x11"? siecle, qu'on ne peut etre surpris de trouver chez
les constructeurs une connaissance approfondie des materiaux propres
ä bätir et des ressources que presente leur emploi. Les hommes qui ne
peuvent acquerir une instruction tres-etendue, faute d'un enseigne-
ment complete par les observations successives de plusieurs siecles,
Sont obliges de suppleer a cette pauvrete elementaire par la sagacite de
leur intelligence; ne pouvant s'appuyer sur des documents qui n'exis-
tent pas, il leur faut faire eux-memes des observations, les recueillir,
les classer, en former une doctrine. La pratique seule les dirige; ce
Iliest que plus tard que les regles setablissent, et, il faut bien l'avouer,
si complote que soit la theorie, si nombreuses et bonnes que soient. les
regles, elles ne parviennent jamais aremplacer les observations basees
sur une pratique de chaque jour. A la fin du xne Siecle, les construc-
teurs avaient remue et taille une si grande quantite de pierres, qu'ils
etaient arrives a en connaitre exactement les proprietes, et a employer
ces materiaux, en raison de ces proprietes, avec une sagacite fort rare.
Alors ce netait pas, comme aujourd'hui, une chose facile que de se
procurer de la pierre de taille; les moyens de transport et d'extraction
etaient insuffisants, il fallait se fournir sur le sol; il ifetait pas possible
de se procurer des pierres de provenances eloignees : c'etait donc au
moyen des ressources locales que l'architecte devait elever son edifice,
et souvent ces ressources etaient faibles. On ne tient pas assez compte