[ CONSTRUCTION 1 126 f MATERIAUX l
thique, veritable epoque dlämancipation intellectuelle des classes labo-
rieuses du nord de la France,
MATERIAUX. Il est une observation interessante a faire et qui peut
avoir une certaine portee. Plus les peuples sontjeunes, plus les monu-
ments qu'ils elevent prennent un caractere de duree; en vieillissant,
au contraire, ils se contentent de constructions transitoires, comme
s'ils avaient la conscience de leur fin prochaine. Il en est des popula-
tions comme des individus isoles : un jeune homme batira plus soli-
dement qu'un septuagenaire, car le premier n'a pas le sentiment de
sa fin, et il semble croire que tout ce qui l'entoure ne saurait durer
autant que lui. Or, le moyen äge est un singulier melange de jeunesse
et de decrepitude. La vieille societe antique conserve encore un souffle
de vie, la nouvelle est au berceau. Les edifices que construit le moyen
fige se ressentent de ces deux situations contraires. Au milieu des po-
pulations qui sont penetrees d'une seve jeune et forte, comme les Nor-
mands et les Bourguignons, par exemple, les constructions sont e'le-
vees beaucoup plus solidement et prennent un caractere plus puissant
que chez les habitants des bords de la Seine, de la Marne et de la Loire,
dont les moeurs se ressentent encore, pendant le xne siecle, des tradi-
tions romaines. Le Bourguignon a meme, sur le Normand. un avantage
considerable, en ce qu'il est doue d'une imagination active et que son
temperament est deja meridional. Pendant la periode romane, ses mo-
numents ont un caractere de puissance qu'on ne saurait trouver dans
les autres provinces franeaises, et lorsque commence a se (levelopper
le systeme de la construction gothique, il s'en empare et l'applique avec
une energie singuliere. Peut-etre a-t-il un goüt moins sur que l'habitant
des bords de la Seine ou de la Marne, son voisin; mais il a certainement
de plus que lui le sentiment de sa force, la conscience de sa duree et
les moyens de deployer ces qualites juveniles. Il semble que le territoire
qu'il occupe lui vient en aide, car il lui fournit d'excellents materiaux,
resistants, de grandes dimensions, se pretant a toutes les hardiesses
que son imagination lui suggere. Au contraire, dans les bassins de la
Seine, de la Marne, de l'0ise et de la Loire moyenne, dans la vieille
France, les materiaux fournis par le sol sont fins, legers, peu resis-
tants ; ils doivent, par leur nature, eloigner l'idc'e de la temerite et obli-
ger le constructeur a suppleer par des combinaisons ingenieuses a ce
que le sol lui refuse. Il faut tenir compte des proprietes de ces mate-
riaux divers et de l'influence exercee par leurs qualites sur les me-
thodes employees par les constructeurs ; mais, independamment de ces
qualites particulieres des materiaux propres a batir, nous le repetons,
le caractere des habitants de ces provinces presente de grandes diffe-
rences qui influent sur les moyens adoptes.
La transition est complete : de la structure romane il ne reste plus
rien; le principe (Pequilibre des forces a remplace le systeme de stabi-